25 juin 2018

L’Europe de la migration idéologique

Par Julien Dray

L’union européenne n’a pas pu ou voulu anticiper l’afflux massif de réfugiés alors même qu’il était prévisible dès 2010. Les intérêts nationaux ont prévalu et se sont même renforcés au cours des dernières années.

Ils sont le fait de l’arrivée de nouveaux pays dans l’union originellement frileux sur la question migratoire et de l’incapacité, pour les pays historiquement portés sur le droit d’asile, à donner sens à leur tradition d’accueil, tant au sein de l’union que dans leurs actions de politique intérieure.

Seule l’Allemagne a su, dans l’urgence, mettre en place une solidarité qui, si elle l’honore, a eu comme conséquence la résurgence d’un rejet de l’étranger. La chancelière fait face à une opposition grandissante même au sein de son propre parti. L’argument avancé d’un besoin de main d’œuvre face à une natalité en berne ne suffit plus à convaincre.

La France, fondamentalement attachée au droit d’asile, n’a pas été à la hauteur de la crise humanitaire et encore moins cette dernière année. En utilisant hier, dans un communiqué de presse admettant sans le dire un échec cinglant, les mots même de ceux que nous avons toujours, nous Européens porteurs d’histoire et garants de paix, combattus à droite et à l’extrême droite, le président Français a montré un visage désolant de la patrie des droits de l’homme. En parlant de centres fermés, par exemple, ou en semblant favoriser les politiques de retours, ne renforce-t-il pas ceux – le nouveau pouvoir italien en premier lieu – qui en défendent les principes depuis longtemps ? Préserve-t-il les accords de Schengen, les accords de Dublin ou bien les remet-il, de fait, aux mains de ceux qui n’en veulent pas ou plus ?

Ce refus d’impréparation dans l’union, l’incapacité morale des pays fondateurs ajoutés à la montée des nationalismes, aboutit aujourd’hui à une impasse que l’on espère provisoire.

N’aurions-nous pas cédé, collectivement, par manque de courage ou par manque de réflexion, aux idéologues réactionnaires et extrémistes de droite qui, eux, ont travaillé leurs argumentaires jusqu’à les faire admettre aux populations ?

Avons-nous cédé aux pressions intérieures dans chacun de nos pays ? Avons-nous manqué d’autorité pour convaincre les nouveaux arrivants au sein de l’UE d’adhérer, en même temps qu’aux aspects économiques, aux fondamentaux idéologiques et aux valeurs fondatrices ?

Toujours est-il que nous fermons encore les yeux, que nous nous détournons des conséquences humanitaires de la crise migratoire, que nous nous protégeons bien plus que nous cherchons à hiérarchiser les priorités.

Il nous semble qu’en premier lieu il faut affirmer ces priorités ; dire que d’abord nous allons sauver, ensuite accueillir, ensuite répartir justement et solidairement, et enfin fixer les règles à respecter par tous.

Voilà le rôle de la gauche aujourd’hui ! Elle ne doit plus jamais céder aux messages anxiogènes des anti-européens, elle doit créer les conditions d’un mouvement unitaire dans toute l’Europe. Pour se faire l’organisation d’une conférence ouverte permettrait de montrer et de démontrer que d’une part, la gauche Européenne n’est pas sectaire et que d’autre part, elle a la volonté de reprendre le combat idéologique par la réflexion et la pédagogie. Elle comblerait un vide en ne laissant plus les peuples nourrir leurs opinions des seules contre-vérités, des seules rumeurs et des seules peurs qui sont le fond de commerce de l’extrême droite. Enfin, cette mobilisation citoyenne pourrait se traduire en de multiples manifestations revendiquant un autre avenir à l’union Européenne que celle du chacun pour soi : une Europe solidaire, humaniste et fière d’elle-même !

Plutôt que de faire les yeux doux à untel ou à unetelle, plutôt que de travailler sur des discours qui n’ont pour but que de convaincre, non pas de leurs pertinences mais de leurs verves, plutôt que d’user d’arguments uniquement économiques et budgétaires quelque soit le sujet, ne serait-il pas plus digne d’en revenir aux traditions de solidarité que nous avons hérité du vieux monde…celui que certains voudraient noyer dans l’océan de la mondialisation.

Tout porte à croire, si nous ne le faisons pas, que le vrai naufrage serait alors celui des valeurs fondatrices de l’Europe !

Julien Dray 

 

 

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