Par Edmond Thanel
Depuis quelques temps, chacun y va de son interprétation. Depuis trop longtemps, certains même remettent en cause une loi fondatrice de notre république ; elle ne serait plus adaptée au monde moderne que d’aucun voudrait nous imposer ? Il faudrait donc la retoucher ? La modifier ? Remettre à plat un texte qui, grâce, entre autre, à la force de persuasion d’Aristide Briand contre les anticléricaux d’un côté, et les défenseurs du concordat de l’autre, a marqué le début du 20ième siècle et installé La France dans le monde très fermé des pays Laïcs ? On instaure, en 1905, une distinction entre la liberté de culte et la sphère publique, l’une n’intervenant pas dans l’autre.
Devons nous rappeler que c’est au cours de la révolution française que l’on a décidé, par décrets, la séparation des églises et de l’Etat ? Devons-nous rappeler que le concordat qui a remplacé cette première initiative révolutionnaire a été une parenthèse désastreuse sur le plan des divisions culturelles et cultuelles ?
Un simple retour en arrière devrait pourtant calmer ceux qui voudraient reprendre à leur compte l’ensemble des évènements qui ont amené une majorité de la représentation nationale à écrire la laïcité dans l’histoire de notre pays.
La loi 1905 est devenue un des fondements de ce que l’on nomme souvent sans le définir vraiment « le vivre ensemble ». C’est à la fois une garantie de liberté, d’égalité et donc de fraternité. C’est le patrimoine collectif de toutes celles et tous ceux qui souhaitent s’inscrire dans la seule communauté qui vaille : la communauté nationale.
Voilà donc ce que la majorité de droite au sénat, à travers d’insidieuses propositions sur la loi dite « pour un Etat au service d’une société de confiance», tente de remettre en cause. En effet les quelques dispositions adoptées par les sénateurs LR et LREM impacteraient de fait des articles essentiels de la loi 1905 (article 19 entre autres) sur la séparation des églises et de l’Etat.
La première de ces dispositions permettrait aux associations cultuelles de détenir et gérer des immeubles à objet lucratif, pour « renforcer leurs ressources » (art 38-I) en bénéficiant plus largement de subventions publiques indirectes sous la forme d’exemptions d’impôt.
Cet article remet en cause l’équilibre même de la loi de 1905, qui limite strictement à l’exercice du culte l’objet et les ressources de ces associations.
La seconde disposition (art 38-II) modifierait par ailleurs la loi sur la transparence et la lutte contre la corruption en exemptant les associations cultuelles de l’obligation de déclarer leurs actions de lobbying auprès des décideurs publics.
Cette mesure constitue un abandon manifeste du principe de séparation et laisse le champ libre, en toute opacité, à toutes sortes de pressions cléricales sur les pouvoirs publics.
La troisième disposition protègerait les immeubles des associations cultuelles contre toute préemption par une collectivité publique (art 38-III), considérant que ces associations seraient au-dessus de l’intérêt général.
On ouvrirait ainsi, sans débat public et sur la seule volonté d’une représentation nationale majoritaire, une brèche décisive dans l’esprit de la lettre de la LOI 1905 et dans la constitution !
L’ensemble des associations et des structures laïques, quelques soient leurs obédiences, ont demandé le retrait de ces dispositions, décidées en catimini à l’occasion d’un projet de loi qui, fidèle à la communication présidentielle, porte un nom révélateur de la différence entre le discours et les actes : « pour un Etat au service d’une société de confiance »
De quelle confiance nous parle-t-on ? De cette confiance aveugle qui devrait nous interdire toute émancipation de la conscience ? L’heure est grave si la concentration des pouvoirs décide d’un état au service d’intérêts qui ne seraient pas communs à tous !
L’histoire récente a montré que lorsque l’on revient sur la laïcité après l’avoir adoptée dans les principes de la république, c’est une porte ouverte à l’intolérance, au rejet, à la discrimination, aux communautarismes… L’exemple turc devrait, à ce titre, nous servir d’exemple.
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