Depuis près de 20 ans, la gauche appelle de ses vœux le dépassement de la Cinquième République pour l’avènement d’une nouvelle Constitution, plus démocratique et représentative de la diversité des sensibilités politiques de notre pays, capable de produire des coalitions de projet. Après les récentes élections législatives, nous nous retrouvons avec une Assemblée nationale que certains qualifient d' »ingouvernable », qui s’apparente davantage à celle de nos voisins européens. Rappelons qu’en Allemagne, c’est actuellement une coalition réunissant libéraux, sociaux-démocrates et écologistes qui gouverne, et que sous Merkel, une alliance entre Verts, conservateurs et sociaux-démocrates était au pouvoir.
Le résultat des législatives n’est-il pas le reflet du souhait exprimé par les Français de voir les différentes forces républicaines travailler ensemble pour relever les défis économiques, régaliens et sociaux auxquels la France est confrontée, et redonner cet esprit de cohésion nationale quelque peu perdu ces dernières années à cause d’une volonté de clivage systématique du Président Macron et de son camp ? À cet égard, n’oublions pas que très rapidement, le mouvement des Gilets Jaunes, parti d’une colère liée au prix du carburant, s’est mué dans un besoin de démocratie plus participative et d’une prise en compte accrue des aspirations des citoyens.
Il est désormais temps que ces forces républicaines, de gauche comme de droite, collaborent pour faire barrage au Rassemblement national et aux positions dogmatiques de La France Insoumise, en proposant un projet constructif et rassembleur aux Français. C’est pourquoi les partis de gauche républicains, aujourd’hui quasi-majoritaires à l’Assemblée Nationale, doivent participer à construire une large coalition, jusqu’à inclure certains républicains de droite, afin de tracer une voie pour notre pays et éviter le risque de l’arrivée du RN au pouvoir en 2027.
Mais avant tout, dans un contexte marqué par une forme d’asphyxie institutionnelle où tout semble dépendre de la volonté d’un seul homme, il est indispensable que cette future coalition mette en oeuvre dans un premier temps une loi instaurant la proportionnelle aux élections législatives.
Le scrutin majoritaire français représente en effet une anomalie par rapport à la plupart de nos voisins européens. Ce mode de scrutin a tendance à favoriser la bipolarisation et l’affrontement entre deux blocs, au détriment d’une représentation équitable des différentes sensibilités politiques. Il conduit bien souvent à l’obtention de majorités artificielles qui ne reflètent pas fidèlement les choix des électeurs ; pousse à des alliances de la carpe et du lapin à l’instar de ce que nous avons pu voir dans le NFP qui coagule des sociaux-démocrates, LFI et le NPA.
Ces coalitions hétéroclites, dépourvues de cohérence idéologique et de projet commun, nuisent gravement non seulement à la qualité du débat démocratique mais aussi à la capacité du gouvernement à agir avec détermination et efficacité. Elles sont le symptôme des dérives d’un système électoral majoritaire qui, en favorisant la bipolarisation, conduit les partis à s’unir non pas autour d’un programme ambitieux, mais dans le seul but de conquérir et de conserver le pouvoir.
À l’inverse, l’instauration de la proportionnelle permettrait une représentation plus juste et pluraliste à l’Assemblée nationale. Les partis obtiendraient un nombre de sièges proportionnel à leurs résultats électoraux, favorisant ainsi l’expression de la diversité des opinions. Cela obligerait également les différentes formations à davantage de dialogue et de compromis pour dégager des majorités stables et gouverner.
Dans un tel contexte, la proportionnelle, loin des logiques de confrontation stérile, nous conduirait sur la voie du consensus et d’un débat d’idées sain. Au lieu de s’enliser dans des querelles partisanes, les élus seraient ainsi contraints de rechercher des solutions concertées pour relever les défis auxquels la France est confrontée. C’est pourquoi l’adoption d’un mode de scrutin proportionnel représente une étape indispensable pour refonder nos institutions sur des bases plus démocratiques et apaisées. Cela constituerait un premier pas crucial vers la convocation d’une Assemblée constituante chargée d’élaborer une Sixième République, plus à l’écoute des aspirations citoyennes.
Cependant, pour aller plus loin, cette coalition menée par la gauche doit appeler à la convocation d’une Assemblée constituante chargée d’élaborer une Sixième République, plus démocratique, s’inspirant notamment du modèle portugais.
La Constitution portugaise, adoptée en 1976 après la Révolution des Œillets, pose les bases d’un régime semi-parlementaire, avec un Président de la République doté de pouvoirs limités et un Premier ministre chef de l’exécutif. Cette architecture institutionnelle vise à équilibrer les pouvoirs et à éviter la concentration excessive du pouvoir entre les mains d’une seule personnalité.
Le Parlement y occupe une place centrale, avec un système électoral proportionnel garantissant une représentation équitable des différentes sensibilités politiques. Cela permet une pluralité d’opinions et de courants au sein de l’hémicycle, favorisant le débat et la recherche de compromis pour gouverner. Ce système tend à favoriser la formation de coalitions gouvernementales stables, dans un esprit de consensus et de compromis, contrairement au risque de blocage et d’affrontement que peut engendrer le scrutin majoritaire à la française.
La Constitution portugaise accorde également une importance particulière aux droits sociaux et économiques. Elle consacre de nombreuses dispositions en matière de protection sociale, telles que, la garantie de l’emploi, le droit à la santé ou encore l’accès à l’éducation.
Par ailleurs, la Constitution portugaise promeut la décentralisation et l’autonomie des régions. Elle reconnaît ainsi le rôle essentiel des collectivités territoriales dans la satisfaction des besoins des citoyens et l’adaptation des politiques publiques aux réalités locales. Cette organisation plus équilibrée du pouvoir permet de limiter les excès d’un centralisme jacobin.
Enfin, la Constitution portugaise comporte des mécanismes de démocratie participative, notamment la possibilité pour les citoyens d’initier des référendums sur des sujets de société. Cela traduit la volonté d’impliquer davantage les citoyens dans les processus décisionnels et de réduire la fracture entre gouvernants et gouvernés.
Dans l’ensemble, la Constitution portugaise s’attache à instaurer un régime politique plus équilibré, solidaire et à l’écoute des aspirations des citoyens. C’est un modèle inspirant qui pourrait grandement nourrir la réflexion d’une future Assemblée constituante française désireuse de jeter les bases d’une Sixième République plus démocratique.
Si le souvenir de la IVe République et de son Assemblée nationale ingouvernable hante soi-disant encore les esprits de nombreux Français qui ne l’ont pas connue, elle hante surtout ceux des commentateurs et des politiques. En effet, cette période de blocages institutionnels et d’instabilité gouvernementale a malheureusement conduit à l’avènement de la Ve République et à un renforcement excessif du pouvoir présidentiel. Cependant, nous ne devons pas pour autant renoncer à une représentation pluraliste et équitable de la diversité politique de notre pays.
À cet égard, le modèle allemand montre qu’il est possible de concilier un système proportionnel avec la nécessité d’une majorité stable au Parlement. En attribuant un « bonus de majorité » aux partis arrivés en tête lors des élections législatives, la Constitution allemande permet de dégager des majorités cohérentes tout en garantissant une représentation juste des différentes sensibilités politiques. C’est un équilibre subtil qu’une future Assemblée constituante française aurait tout intérêt à s’approprier pour éviter les dérives du passé.
Nous ne sommes certes pas encore parvenus à la 6e République, mais notre Assemblée Nationale reflète désormais la diversité des sensibilités politiques exprimées par les Français. Il est donc temps que nous, forces de gauche, nous nous comportions en véritables organisations politiques, capables de dialoguer et de construire avec nos adversaires et partenaires un projet ambitieux pour sortir la France du marasme qui la guette.
N’oublions pas la leçon de Machiavel : le Pouvoir n’est légitime que s’il obtient le consentement de la population. Or, dans un modèle démocratique, seul un consensus solidement constitué entre les principales forces politiques peut produire l’adhésion de la majorité des citoyens. C’est à cette condition que nous pourrons relever avec succès les défis économiques, sociaux, régaliens et environnementaux auxquels notre pays est confronté.
Loin des logiques partisanes stériles, c’est dans un esprit de compromis et de construction collective que nous devons désormais œuvrer. Seule une démarche pragmatique, à l’écoute des aspirations de nos concitoyens, nous permettra de jeter les bases d’une Sixième République plus juste et plus efficace.