5 février 2019

Politique économique : L’échec!

Par Frederic Scanvic

Malgré les nombreux revers internes (chute constante de popularité, benallagate, crise des gilets jaunes …) comme externes (accumulations des bourdes diplomatiques avec les USA, la Serbie, paralysie de toute démarche européenne sérieuse au-delà des discours de la Sorbonne et du 11 novembre 2018), il semblait rester deux constantes dans l’image d’Emmanuel Macron et de son gouvernement : La méthode, réformer pour produire plus et mieux, l’objectif, produire plus pour répartir ensuite.

C’est peu dire qu’il n’y a plus de méthode et que l’objectif se situe au niveau de l’horizon c’est-à-dire qu’il recule au fur et à mesure que le quinquennat avance.

A vrai dire la méthode n’a jamais trouvé de véritable application.

L’année 2017 s’est terminée avec un nombre famélique de « vraies » lois (j’exclue les autorisations de ratification d’accords internationaux et les ratifications d’ordonnances prises par les gouvernements précédents de cette qualification de vraie en cela qu’elles révèlent une politique). Seuls les textes travail (loi d’habilitation et ordonnances) ont prétendu démontrer cette volonté de réforme « en profondeur ». En matière de profondeur on en retiendra deux mesures qui pénalisent les salariés sans créer le moindre emploi, le plafonnement des indemnités de licenciements et la fusion des institutions représentatives. On en attend les résultats ils semblent tarder. Pour le reste il s’est agi de faire grossir le code du travail de mesures techniques. On avait compris qu’il fallait le faire maigrir. Finalement la loi la plus marquante de l’année 2017 restera l’inoubliable « loi pour la confiance dans la vie politique ». Plus personne ne sait trop bien dire ce qu’elle contenait. Tout le monde a compris, samedi après samedi, sondages après sondages, que la confiance dans la vie politique a dû emprunter un autre chemin que les lois d’Emmanuel Macron.

Le plus incroyable est que l’année 2018 se termine avec un bilan législatif lui aussi très modeste : 22 lois de moins qu’en 2013 et 29 de moins qu’en 2008 premières années entières des deux quinquennats précédents. Certes le chiffre n’est pas tout mais les règles parlementaires étant ce qu’elles sont (elles imposent un minimum de cohérence au sein des projets de lois) c’est un indice évident de plus grande modestie du champ de la fameuse réforme.

Surtout ce qui frappe c’est le faible nombre de « grandes lois réformatrices ». Personne ne pensant inclure l’interdiction des téléphones portables en univers scolaires ou la réglementation des fausses nouvelles, parmi les grandes réformes, personne n’imaginant traiter comme telles la sempiternelle loi sur l’urbanisme et le logement (qui intervient alors que l’encre de la précédente est à peine sèche, ce qui était déjà la caractéristique de la précédente) ou la classique loi sur la confiance dans l’administration qui n’apparaissent à l’examen que comme de bonnes vieilles lois technocratiques, ramassant en un texte au nom pompeux les idées éparses que les fonctionnaires dûment sollicités par le nouveau pouvoir avide de présenter des « mesures » ont rassemblé en ouvrant les tiroirs que les précédents gouvernements avaient laissés fermés.

Il restera donc, au niveau des grandes réformes, la loi sur la SNCF dont tout le monde a bien compris qu’au-delà de la pénalisation immédiate des salariés de l’entreprise elle mettrait du temps à se mettre en place (au fait où en est la négociation dans l’entreprise sur la nouvelle convention collective annoncée par l loi et supposée couvrir les agents hors statut ?) et à laquelle personne ne saurait attacher un progrès économique et social tangible pour le pays.

D’ailleurs s’il devait y en avoir un on comprendrait mal que cette ardeur à réformer le statut des agents des entreprises publiques n’aille pas jusqu’à EDF ou la RATP. La réponse à cette question est peut-être dans l’appréciation que le gouvernement s’est fait de la capacité de mobilisation et de leurs agents et des conséquences qu’elles auraient. Les grands réformateurs sont donc des audacieux modestes.

A cette aune on comprend qu’il n’y ait guère de nouvelles fraiches de la future loi hôpital, de la mise en œuvre du plan pauvreté, que la réforme (une nouvelle grande réforme bien sûr) des retraites et celle de la formation professionnelle restent dans les limbes.

La réforme (structurelle bien sûr) de la dépense publique, préparée par un comité ad hoc a été remisée dans les limes, trop violente semble-t-il, on ne sait pas quand on y reviendra on sait seulement que, dans l’urgence en décembre, une loi est venue, dans le désordre le plus total et sans apaiser la colère des français, plomber des finances publiques déjà mises à mal par les cadeaux fiscaux de l’année.

Car finalement ce n’est pas le nombre de lois et l’importance du champ qu’elles couvrent qui importe réellement à Emmanuel Macron et à son gouvernement. C’est la qualité des espèces sonnantes et trébuchantes qui ont été allouées aux plus fortunés via la manne fiscale de deux lois de finances parfaitement généreuse. On a traité suffisamment de cette question ici pour ne pas y revenir.

Elle est pourtant au cœur de la fameuse (fumeuse ?) théorie du ruissellement qui voudrait que les cadeaux fiscaux faits aux plus riches profitent à l’économie en général, à l’emploi et au pouvoir d’achat à terme, en particulier.

Les faits sont pourtant cruels et têtus.

Après 20 mois de présidence d’Emmanuel Macron les résultats ne sont pas au rendez-vous.

Les chiffres de la croissance sont atones. Publiés il y a quelques jours ils montrent une croissance de 1,5% contre 2,3 % l’an passé. La tendance sur le quinquennat s’annonce selon la majorité des économistes autour de 1,3 % en moyenne sur les cinq prochaines années. Plus encore la croissance de 2018 semble avoir été portée par de bons chiffres de la balance commerciale que rien ne permet de prédire reproductibles. Et les paris des économistes reposent en 2019 sur une reprise de la consommation des ménages. On verra s’ils sont convaincus. Personne ne le sait. On verra plus bas que l’on peut en douter.

Le chômage a certes baissé en 2018 mais d’un modeste 1,5 % par rapport à 2017. Surtout l’amélioration porte sur les catégories : ce sont les catégories C et E (demandeurs d’emplois déjà pourvus d’un emploi) qui profitent de l’amélioration alors que le nombre de demandeurs d’emplois des catégories A (personnes sans emploi) et B (personnes avec un emploi mais à faible quotité horaires) augmente de 0,5 % et 2,1 %. Le chômage des moins de 25 ans et celui des plus de 50 ans augmente. Bref le “chômage” des inclus de 256 à 49 ans est le seul à baisser.

Si l’investissement des entreprises est resté soutenu en 2018 il affiche pourtant une baisse de 1,6 % par rapport à 2017. Quant aux ménages, leur principal poste d’investissement, la construction résidentielle, donne des signes inquiétants. Si, sur l’année 2018, les investissements des ménages en logement ont continué à croître (de 2 % sur l’année) la décrue s’est amorcée au troisième trimestre et devrait se poursuivre en 2019. Puisque sur les trois derniers mois de 2018, les autorisations de logements à la construction ont diminué de 1,3 %. Sur l’année complète, 460.500 logements ont été autorisés à la construction et 398.100 logements ont été mis en chantier, soit respectivement un recul de 7,1 % et de 7,0 % par rapport à 2017, selon le ministère du Logement lui-même. Si la loi ELAN a suscité un élan c’est manifestement en arrière.

Seul le commerce extérieur affiche des chiffres satisfaisants. Pour la deuxième année ils sauvent les chiffres de la croissance Macron. Le pourront-ils encore ? Rien n’est moins sûr. Les chiffres de 2018 s’expliquent d’abord par la faiblesse des importations liées au niveau du pouvoir d’achat. On en revient toujours à la question de la consommation. Les chiffres sont de plus très dépendants des ventes d’objets presque uniques (deux airbus et un navire en 2018) et de l’évolution de la croissance outre Rhin (l’Allemagne est le premier acheteur de produits français à hauteur de 70 milliards). Les perspectives allemandes ne permettront certainement de maquiller à nouveau les chiffres d’une croissance poussive en France.

Les ménages seront-ils au rendez-vous en 2019 pour sauver la pauvre théorie macrobienne du ruissèlement ?

Le déficit budgétaire prévu par la loi de finances pour 2019 a cru d’environ 10 Milliards avec la loi portant mesures d’urgences de décembre 2018. Monsieur Macron qui est un libéral en économie devrait méditer la théorie libérale dite des anticipations rationnelles : le peule, moins idiot que ses dirigeants semblent parfois le croire, ne se laisse pas convaincre par des injections d’argent dans l’économie lorsqu’elles ne s’inscrivent pas dans un schéma planifié et justifié. Le peuple dans ce cas constate le creusement du déficit et anticipe des hausses d’impôts. Il ne consomme pas il thésaurise pour payer ses futurs impôts.

Cela fait deux ans que les économistes annoncent la reprise de la consommation qui n’est jamais au rendez-vous. Il y a fort à craindre que face à une politique de gribouille s’agissant des trajectoires des prélèvements obligatoires, du déficit et du soutien à la consommation, le peuple consommateur, sceptique, garde son argent.

Surtout lorsque, comme dans la loi de décembre 2018, comme dans l’affaire du reste à charge zéro, comme dans l’affaire de la suppression de la taxe d’habitation, le gouvernement de Monsieur Macron ne dépense son propre argent mais annonce que d’autres financeront avec le leur les mesures d’un gouvernement dont l’impécuniosité semble maintenant égaler l’absence de sérieux.

Comme dirait un paysan normand dans un essai d’André Siegfried : « ça ne ruisselle guère tout de suite notre maître ».

Frederic Scanvic

 

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