Par Julien Dray
La marche blanche des blessés, Acte 12 du mouvement des Gilets jaunes, a bien eu lieu. Elle ne dément pas la détermination observée depuis deux mois et la source de la mobilisation, contrairement à ce que l’on entend, ne se tarit pas.
Il est peut-être utile de le rappeler au moment où il semble, si l’on en croit le gouvernement et les disciples du premier cercle de l’information, que ce serait bientôt la fin !
Le Gilet jaune sera passé par toutes les caricatures promptes à le discréditer. Il était déjà extrémiste, égoïste, privilégié, homophobe, antisémite, raciste et violent. Voilà qu’à travers la parole présidentielle, on apprend aujourd’hui qu’il est caractérisé par un mot : le Jojo ! ce qui dit quand même beaucoup du sentiment éprouvé par les tenants du système à l’égard de ces « gens ». Jojo serait par trop inculte pour construire par lui-même un discours cohérent, pas assez intelligent, pas érudit ou pas instruit et on lui donnerait, à tort, une fenêtre d’expression démesurée par rapport aux élus du système auto-proclamé. Pour résumé le Jojo n’est pas au niveau.
Si tant de citoyens se retrouvent dans ce mouvement, si une large majorité de Français le soutient encore aujourd’hui, Il faut alors croire à un déficit profond du système éducatif.
En participant, aux côtés de ces obstinés, à diverses manifestations, à Paris et en province, nous n’avons pas la même lecture ni la même appréciation des choses. Nous avons constaté partout une force de conviction, une volonté de se faire entendre sans violence.
Il n’y a pas de monopole particulier. Il y a là des jeunes, des moins jeunes, des retraités, des employés, des entrepreneurs, des professeurs, des professions libérales…Bref un large spectre de la population française. Certes la peur a gagné du terrain ; non pas la peur des manifestants en eux-mêmes mais celle d’une répression que beaucoup ont vécu et qu’ils ne veulent pas revivre. Ainsi, on ne peut être qu’admiratif devant le courage de ces citoyens bravant le risque. La détermination demeure intacte.
Les manifestations sont déclarées, les trajets respectés, les cortèges de plus en plus structurés.
Le pouvoir serait-il parvenu à banaliser un mouvement qui trouvait sa force dans l’irrespect des règles écrites ? On peut le penser à constater le piège dans lequel la manifestation, à Paris par exemple, est tombée : Une nasse qui amène le cortège à converger vers un endroit visiblement prévu pour l’encercler.
A Paris, il a fallu ainsi attendre quatre heures et l’arrivée sur la place de la République pour donner enfin du grain à moudre aux chaines d’infos en continu.
Les organisateurs de la marche blanche avaient obtenu l’autorisation non seulement pour la manifestation mais également pour une occupation de la place de la République pour un moment de recueillement jusqu’à 22h 30.
Pourtant, vers 17h 30, les forces de police ont reçu l’ordre de charger une foule pacifique. Un setting s’organisait. Il n’y avait alors eu aucune dégradation. Cette nouvelle initiative a engendré immanquablement des confrontations. Il y a eu à nouveau de nombreux blessés.
Comment, dans de telles circonstances, ne pas voir cette gestion comme une stratégie de provocation par la violence ? Comment ne pas imaginer une entreprise de déstabilisation par la peur ? Comment ne pas en déduire qu’après deux mois de mobilisation, on en soit encore à nier la profondeur de ce mouvement ?
On a décidé depuis la tour du Château que la réponse était à la hauteur des attentes. L’annonce de quelques nouvelles dépenses sans nouvelles recettes d’une part et de l’organisation d’un « Grand » Débat national d’autre part devaient mettre fin aux actes « séditieux » des Gilets jaunes. Ceux-ci ne l’entendant pas de cette oreille, le pouvoir cherche donc à les mettre au pas avec d’autres méthodes.
Tout d’abord on met en place une communication exacerbée du Président de la République, des heures de retransmission de shows télévisés, des relais médiatiques, des paroles très orientées tendant à prouver tout le mal que représente ce mouvement tant pour l’économie que pour le bon déroulement de la société. Ensuite on tente de renforcer le système par la loi : une loi anticasseurs qui, de l’avis même de certains membres de la majorité, ne menace pas le délinquant mais le citoyen.
Enfin, Il y a la gestion de cette crise par le ministère de l’Intérieur. Les violences policières ne sont plus à prouver. Elles ne sont plus le fait de quelques éléments incontrôlés. Elles sont érigées en système. Elles sont dénoncées non seulement en France mais dans d’autres pays. Le « New York Time’s » aux Etats Unis et « Die Welt » en Allemagne, pour ne citer que ceux-là, ont consacré de longs articles sur cette dérive qui inquiète de plus en plus.
Les soi-disant « petits actes » de ce mouvement populaire mettent en lumière bien davantage que ce à quoi on veut les réduire. Ils remettent en cause un système qui depuis longtemps était au bord de l’explosion. On cherche donc à éteindre cette mise en lumière. Le Grand Débat pourra-t-il permettre de répondre à cette volonté de changement ? S’il n’a pour objectif que de sauver les meubles ou de gagner du temps, la déception sera forte.
Il est donc nécessaire, en parallèle de cette consultation, de ne pas relâcher la pression.
Le mouvement doit sans doute retrouver des modes d’actions qui lui sont propres : ceux qui faisaient sa force par la spontanéité pour s’étendre à tous les acteurs sociaux et enfin faire la jonction avec l’ensemble des syndicats.
Un million de Jojos dans la rue dans toute la France, ça pourrait bien faire réfléchir ceux qui ne le sont pas…Ce 5 février est une nouvelle étape ! Il peut être un nouveau départ !
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