Par Pierre Mazzorbo
La forteresse de Bercy est devenue comme cette formule de la Marine Nationale : « On salue tout ce qui bouge et on repeint tout ce qui ne bouge pas ». A Bercy, on taxe tout ce qui bouge et on impose tout ce qui ne bouge pas… Il en va ainsi de la taxe GAFA.
Il y a effectivement un impératif de justice fiscale, territoriale et économique à taxer les super profits des géants du numérique qui réalisent un chiffre d’affaires colossal en Europe mais échappent jusqu’ici totalement à l’impôt.
Les GAFA(M), BATIX ou NATU sont aujourd’hui les fers de lance de l’économie numérique. Ils créent de la valeur très rapidement. Ils ont une croissance ultra-rapide et agissent dans un univers où le gagnant rafle la mise. Ils ont une capitalisation boursière unitaire qui dépasse le budget de la plupart des Etats de la planète.
Ils défient les règles en matière de concurrence, de monopole, de régulation et même parfois de soumission à la justice des Etats. Une fois la taille suffisante acquise, ils jouent avec des filiales et des transferts financiers pour déporter tout leur chiffre d’affaires dans des paradis fiscaux (il en existe encore – y compris au sein de l’UE!) ou des Etats qui pratiquent le dumping fiscal.
La conséquence est simple : ils utilisent les infrastructures de réseaux électroniques créés par les différents Etats pour vendre leurs services, ils profitent du revenu disponible créé dans chaque Etat mais ne contribuent pas à la même hauteur que les autres entreprises sur la valeur ajoutée créée.
La création d’une taxe GAFA semble enfin faire consensus dans l’OCDE. La France veut aller plus vite, plus loin et seule, au risque de tomber dans l’inefficacité et de créer des externalités négatives pour son économie. On verra… Laissons sa chance au produit.
Mais quelle est la finalité de cette taxe? Remplir les caisses des Etats pour rembourser les intérêts de la dette?
Cette taxe, à la manière de la fiscalité de transition écologique, doit être affectée à la transition numérique. Notre société se digitalise à une vitesse très rapide et parfois de manière invisible. Un exemple? La grande distribution ouvre désormais dans notre pays des supermarchés ouverts 24/24 sans employés… La vente est entièrement numérique. Cette numérisation de l’économie va créer des emplois mais en détruit beaucoup également.
Nous proposons donc que la Taxe GAFA soit affectée au profit d’une dotation jeune pour donner à chaque jeune européen un capital de départ dont il pourrait disposer à ses 18 ans pour monter son entreprise, financer ses études, lancer un projet associatif et ne pas se lier à des prêts bancaires ou des petits boulots avant même de savoir ce qu’il pourra trouver sur le marché du travail.
Cette dotation universelle prend tout son sens. Miser sur l’économie de demain, c’est d’abord investir dans la jeunesse.
Pierre Mazzorbo