6 juillet 2020

Touche pas à mon prof !

Par Marianne de Chambrun

Imaginez une grande entreprise qui demanderait à ses salariés de télétravailler sans leur fournir le matériel adéquat, c’est-à-dire sans leur donner un ordinateur. Imaginez cette même entreprise qui imposerait à ses collaborateurs l’utilisation de nouveaux outils sans même le leur présenter et encore moins les former. Imaginez encore cette même entreprise qui demande à ses équipes du jour au lendemain de pratiquer un métier différent de celui pratiqué auparavant et cela sans accompagnement, sans aide, sans formation, sans bonne pratiques sur lesquelles s’appuyer. Imaginer enfin que tout cela soit annoncer à la télévision, sans présence de personne de proximité avec qui échanger.

Cette entreprise elle n’existe pas car aucun collaborateur n’accepterait d’être traité de cette manière-là. Cette entreprise elle n’existe pas car les représentants syndicaux s’opposeraient avec violence et à raison que l’on puisse demander l’impossible à des salariés et ce dans un tel flou et une telle improvisation.

Et pourtant cette situation elle a existé, c’est ce qu’ont vécu les enseignants pendant le confinement. C’est par le discours présidentiel puis du gouvernement qu’ils ont été informés que « tout était prêt », que les outils étaient opérationnels et qu’ils allaient pouvoir délivrer l’enseignement comme si de rien n’était. Et pourtant, les outils du CNED existant étaient inconnus de l’écrasante majorité des professeurs qui n’y ont jamais été formés. C’est donc avec leur matériel personnel, sans accompagnement, sans formation q’ils ont dû seuls se débrouiller pour continuer leur travail et adapter une pédagogie présentielle, qu’ils ont façonné au fil de leur expérience à une pédagogie en ligne pour laquelle nous n’avons aucune référence, aucune bonne pratique.

L’acrobatie aurait pu être notée, remarquée, félicitée…pas tout. A la fin de ce confinement les enseignants sortent épuisés, encore abasourdis par ce qu’ils ont vécu et au lieu d’applaudissement ce sont des flots de purins qui se déversent sur le corps enseignant sans qu’aucun membre de la classe politique ne s’en émeuvent.

Jamais à la hauteur, feignants, has been, réfractaires, contestataires, … les compliments pleuvent sans que cela ne choque alors que nous devrions tous pleurer de voir notre système éducatif dans cet état.

En effet, chaque jour d’une année scolaire nous déléguons au corps enseignant la responsabilité d’apporter le savoir à nos enfants de leur donner enseignement et éducation. Il ne s’agit pas de les garder pendant que nous travaillons, il s’agit d’en faire des êtres pensants et intelligents, des êtres en pleine possession de leur capacité de compréhension et d’analyse du monde si complexe qui les entoure. Des langues, à l’histoire en passant par l’art ou les mathématiques toutes ces matières sont là pour aider nos enfants à agir dans leur espace à comprendre par eux-mêmes en être indépendants. Nous ne pouvons pas d’un côté nous battre contre les fakes news et nous désoler de la montée des populismes tout en délaissant l’importance du corps enseignant dans la capacité de nos enfants à se protéger de ces phénomènes.

Et pourtant… quand bien même nous leur donnons cette responsabilité, cette tâche si ardue et en même si primordiale pour nos enfants, nous dénigrons systématiquement leur travail et leur implication.

Cette violence, totalement injuste et injustifiée, vis-à-vis du corps enseignant, est délétère et dangereuse à plusieurs titres. Lorsque la réputation et la considération d’une profession se dégrade de la sorte alors elle n’attire plus les talents pourtant si fondamentaux pour nos enfants. Lorsqu’une profession est la cible de tant de critiques alors elle développe du corporatisme pour se protéger des violences qu’elle subit.

Alors devant nous, nous avons un immense chantier de reconstruction pour l’enseignement. Ce chantier, il doit commencer un bilan de la gauche au pouvoir qui n’a pas été à la hauteur de ce que le corps enseignant pouvait attendre, qui n’a pas su dessiner et mettre en œuvre ce dont la France a besoin comme changement dans son système éducatif. Quel dommage et quel raté quand on pense aux liens histoires qui unissaient la gauche et les enseignants !

En attendant commençons déjà par plus de bienveillance et de reconnaissance vis-à-vis des enseignants.

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