24 mai 2019

Le congé paternité une nouvelle étape du combat féministe

Par Marianne de Chambrun

Dimanche nous voterons pour les européennes. Ces élections définiront pour les 5 ans à venir la couleur du parlement Européen et donc son orientation politique. Nombre de français ne voient plus en quoi cette UE, trop souvent orientée sur des sujets économiques, est garante de progrès pour notre pays. Loin de la voir comme une protection beaucoup la voit comme une contrainte, lorsqu’elle est assimilée à la règle des 3%, ou encore comme une menace, lorsqu’elle oblige sous couvert de lutte contre les monopoles à mettre à mal les services publics.

Et pourtant, en ce moment se joue au Parlement Européen une avancée qui pourrait être majeure pour l’égalité Homme-Femme en Europe et surtout en France. C’est une nouvelle étape dans le combat féministe qui pourrait se mettre en place à Strasbourg.

En 2017 la Commission Européenne a présenté une directive portant sur l’« équilibre entre vie professionnelle et vie privée des parents et aidants ». Cette directive propose une harmonisation européenne du congé parental avec l’instauration d’un congé paternité. Concrètement elle propose que chacun des deux parents, à la naissance d’un enfant, ait droit à une période de quatre mois de congés, non transférables de l’un à l’autre et, surtout, rémunérée, au moins à hauteur des indemnités maladie dans leur pays.

Cela représenterait pour notre pays, où le congé paternité n’est que de 11 jours avec une rémunération minimum en deçà des indemnités maladies, une avancée majeure pour les femmes. On peut se demander pourquoi un progrès social pour les hommes peut se traduire en bénéfice pour les femmes… la raison est évidente : remettre à l’équilibre les compteurs d’absence au cours d’une carrière professionnelle.

Une amie proche de la quarantaine m’avait un jour dit « depuis que les employeurs ont compris que je n’aurais pas d’enfant, je n’ai plus de freins professionnels ». J’avais trouvé sa remarque cruelle et surement exagérée jusqu’à ce que je m’y forte personnellement à deux reprises et chez deux employeurs radicalement différents.

La première fois, dans une très grande entreprise française, arrivée à mes 30 ans et frustrée face à la lenteur de mon évolution professionnelle considérant la grande satisfaction exprimée envers mon travail, on m’avait alors répondu, « Marianne, à ton âge on se préoccupe surtout de faire des enfants … cela est la seule chose réellement importante dans une vie ». La seconde fois, dans une autre entreprise, on m’objectait que l’année à venir ne pourrait, pour moi, être accompagner d’une évolution professionnelle, ou salariale étant donné que contrairement à d’autres j’allais être absente pour un congé maternité. De la même manière, cela m’avait été dit tout en m’expliquant que ma maternité à venir était bien plus importante dans une vie qu’une simple promotion.

Alors oui, à l’échelle d’une vie et d’une carrière, la naissance de mes enfants est bien plus importante. Cependant si elle est importante pour moi, la mère, elle l’est aussi pour leur père. Or celui-ci ne se verra pas défalquer une année d’évolution pour absentéisme, celui-ci ne se verra pas refuser pas un poste par crainte de le voir s’éloigner quelques mois étant donné que son âge correspond statistiquement au moment de sa reproduction.

Marie-Georges Buffet proposait en 2017 un amendement pour prolonger le congé maternité de 16 à 18 semaines. A mon sens la longueur du congé maternité ne peut être synonyme aujourd’hui d’avancée féministe que dès lors qu’il offre un congé équivalent au père. En effet le lien entre maternité et plafond de verre ou inégalité salariale n’est plus à démontrer, des carrières entrecoupées d’arrêts, des promotions données moins facilement, des augmentations à la performance moins généreuses.

Bien sûr l’inexistence d’un congé paternité conséquent n’est pas l’unique raison qui conduit à ces inégalités. Il existe aussi des restes persistants de misogynie parfois inconsciente qui conduit un employeur à faire plus confiance à un homme qu’à une femme, qui le valorise mieux à l’embauche… il y a parfois les attitudes des femmes elles-mêmes, moins enclines à la négociation, parfois moins ambitieuses… Mais comme il est ardu de changer les mentalités on peut à minima, lorsque l’on souhaite sincèrement s’attaquer à ce problème, mettre en place des moyens simples pour rééquilibrer la balance, cette proposition en est une.

Pour que cette mesure soit efficace, l’époque est la bonne car les pères sont en demande de plus de temps avec leur progéniture et se feront un plaisir de prendre ce congé qui leur est offert. Ils s’absenteront alors aussi des entreprises, à l’égale de leurs compagnes, supprimant ainsi tous les arguments limitant leur évolution professionnelle. J’aime personnellement cette mesure car elle ne n’oppose pas les genres mais elle les met sur un pied d’égalité face à un système qui cherche trop souvent à les opposer.

Et c’est donc Bruxelles, tellement critiquée, accusée d’être soumis aux lobbys, c’est donc Bruxelles qui nous offre cette opportunité pour toutes les femmes et tous les hommes européens. Belle façon de faire concrètement de l’Europe un vecteur de progrès et de lui redonner du sens.

Mais alors pourquoi cette directive en accord avec les souhaits affichés de notre gouvernement de réduire les inégalités hommes-femmes et mettant en avant une Europe si salvatrice à leurs yeux ne peut voir le jour ? Et bien parce qu’entre autres opposants Emmanuel Macron lui-même, freine des quatre fers cette proposition, argumentant devant le Parlement de Strasbourg, que : « c’est une belle idée qui peut coûter très cher et finir par être insoutenable ».

Je me permettrais de rappeler à Monsieur Macron, qu’en 1913 lorsque la loi Strauss préconisant la mise en place d’une allocation journalière pour la période de repos après accouchement, s’était vu opposer le même argument financier. L’assemblée de l’époque avait malgré tout voté cette loi apportant ainsi un énorme progrès social pour les femmes…

Alors en allant voter dimanche, choisissons les progressistes dans les mots et dans les actes pour s’assurer que le combat des femmes continue et porte ses fruits.

Marianne de Chambrun  

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