5 novembre 2019

Chili : La mobilisation s’installe !

Par Marianne de Chambrun


La patria está
forjando la unidad.
De norte a sur
se movilizará
desde el salar
ardiente y mineral
al bosque austral
unidos en la lucha y el trabajo
irán,
la patria cubrirán.
Su paso ya
anuncia el porvenir.

La patrie forge l’unité.
De nord au sud, elle se mobilisera,
Du Salar ardent et minéral
A la forêt australe,
Unis dans la lutte et dans le travail, ils iront
Ils protègeront la patrie.
Son pas annonce déjà l’avenir.

Les paroles de cette chanson des Quilapayún mises au présent illustrent ce qui se dessine aujourd’hui au Chili. Après une manifestation sans précédent le 26 octobre dernier, où plus d’un million de personnes (dans une métropole qui en compte 6) se sont réunis, la mobilisation ne faiblit pas et de nombreux autres rassemblements ont eu lieu et ont lieu encore dans toutes les villes du pays.

De la ville Patagone de Punta Arenas, au nord avec l’aride Arica à la frontière péruvienne, en passant par les villes minières d’Antofagasta et d’Iquique ou la pluvieuse région des lacs avec Puerto Montt, ce sont près de 6000 km du Nord au Sud qui se mobilisent.

Une révolte partie de presque rien mais qui a aujourd’hui comme ambition de revoir en profondeur la constitution et permettre à l’Etat de prendre une place de régulateur dans un système ultra libéral où tout ou presque avait été laissé pendant des décennies à la gestion du secteur privé. Remettre l’Etat au cœur pour qu’il ajuste, contrôle, régule et surtout assure un minimum de répartition entre tous et par là-même limite les inégalités.

Malgré les faux-semblants de concessions faites par le gouvernement pour donner suite à cette manifestation historique, le remaniement ministériel, la fin du couvre-feu, le retrait de l’armée dans les rues, la mobilisation s’installe. Car la révolte qui gronde au Chili semble aller bien au-delà d’une lutte pour une plus grande égalité.

C’est une révolte sous forme de revanche.

Revanche certes de toutes ces personnes que ce système a maintenues dans la précarité sous prétexte de fin de la pauvreté alors que d’autres s’enrichissait grassement. Revanche, surtout, de tous ses jeunes, ces hommes, ces femmes qui ont entendu parler et ont gardé au plus profond d’eux l’humiliation et la honte de leurs parents ou grands-parents arrêtés sous Pinochet. L’humiliation et la honte de la peur imposée par la dictature.

Or avec la vue des militaires dans la rue, avec la venue à nouveau d’un couvre-feu, c’est de ce poids et de cette peur dont se libère le peuple chilien. Unis comme rarement il condamne les stigmates de cette dictature, de la réaction du gouvernement jusqu’à ce système inégalitaire. Peut-être plus qu’après le referendum de 88, le Chili aujourd’hui veut et peut tourner réellement la page et recommencer enfin sur de nouvelles bases.

Voilà le superbe enjeu devant lequel se trouve aujourd’hui le peuple chilien. L’enjeu est immense certes mais aussi grands sont les risques d’échouer. Pour réussir, au-delà de leur révolte et de leur colère, pour construire sur ce mouvement, les chiliens doivent s’organiser et se structurer politiquement. Car là se trouve le piège… des manifestations qui se répéteraient sans mots d’ordre clairs ou homogènes, sans personnes identifiées pour les porter et qui pourraient venir à s’essouffler, pire, à se décrédibiliser.

Or ce mouvement il est avant tout populaire. Il s’enthousiasme de venir des citoyens eux-mêmes et de n’être récupéré par aucun parti politique. En effet, à l’instar de ce qui se passe dans d’autres pays du monde, le Chili souffre d’une grave crise de la représentation. Décrédibilisés par des années d’alternance qui n’apportèrent aucun changement la classe politique actuelle de tout bord n’arrive pas à se poser en représentant ou intermédiaire des revendications citoyennes.

Pour assurer cette réussite, il faut structurer un combat politique, avec des lignes claires et des représentants élus, que ceux-ci soient déjà élus de la République ou qu’ils émergent de ce mouvement.

Le estan poniendo el corazon, bien ! Pero hasta en la estructuración tiene que ser !

 

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