15 mars 2023

Un dimanche pour faire date – Edito n°140

Il n’y a pas pire sourd que celui qui ne veut pas entendre, pas pire aveugle que celui qui ne veut pas voir. Cet exécutif qui, à l’instar de son président, voulait changer l’usage et les pratiques semble au contraire utiliser une méthode aussi vieille que la politique qu’il dénonçait.

Rien n’y fait. Pourtant le rejet, ultra-majoritaire, ne se dément pas. Les manifestations se succèdent et ne désemplissent pas. Au contraire, plus le temps passe et plus il y a de monde à dire non au recul de l’âge de départ à la retraite. La mobilisation est historique sur bien des aspects dont deux principaux : le nombre, la diversité des participants et le calme dans lequel les manifestations se déroulent.

Nous devons, de ce fait, d’abord rendre hommage à l’union syndicale. Elle a su, jusqu’à présent, magistralement organiser d’énormes rassemblements sans qu’il y ait à déplorer des débordements incontrôlables.
 
Cela permet d’envisager pour les prochains rendez-vous une participation encore plus massive associant toutes les générations sans risque pour la population. Nous y voyons deux conditions : la première est de continuer à faire confiance à l’intersyndicale pour prolonger le mouvement ; la seconde est de permettre vraiment la participation de toutes et tous, jeunes, anciens, actifs, retraités et familles.

Nul doute que le Gouvernement parie, de son côté, sur une démobilisation, sur un effondrement du nombre de manifestants, sur une radicalisation violente ou encore sur la résignation. Ce dernier point est mis en exergue dans un récent sondage : il y a presque autant de citoyens contre la réforme que de citoyens persuadés que le pouvoir la fera passer, coûte que coûte.

Pourtant, n’en doutons pas, le pouvoir est fébrile. Il préfère se voiler la face plutôt que de la perdre. Ne pouvant maîtriser le rejet que suscite sa réforme, il joue la montre. Le silence du président qui vient de refuser de rencontrer l’intersyndicale en dit long sur son malaise. Il n’est par ailleurs pas encore certain d’obtenir une majorité à l’Assemblée nationale et envisage déjà d’utiliser une fois de plus – une fois de trop ?- le fameux article 49.3.

La stratégie consistant à bloquer le pays pourrait être efficace si nous n’étions pas dans un contexte économique qui fragilise encore davantage les précaires, les travailleurs pauvres et les plus démunis. Contrairement à d’autres mouvements dopés par les employés du service publics, celui-ci rassemble bien au delà dans toutes les entreprises du secteur privé, grandes ou petites. Les grèves coûtent donc très cher à tout le monde. On ne peut faire reposer sur les seuls salariés le coût de la mobilisation. Et cependant, il faut tenir !

Ce que nous proposions il y a déjà plusieurs semaines apparaît de plus en plus comme une initiative responsable :

Une grande marche de deux voire trois millions de citoyennes et de citoyens sur la capitale un dimanche regroupant toutes les catégories sociales, toutes les catégories d’âge et tous les statuts des collégiens aux retraités en passant par les lycéens, les étudiants, les salariés, les chômeurs, les femmes, les hommes, les familles, les retraités…

Le contexte nous autorise à penser que cette marche sur Paris pourrait être décisive. Elle permettrait à la partie immergée de nos concitoyens, définitivement contre cette réforme, de s’exprimer en masse sans avoir à subir un coût insurmontable.

C’est à Paris que se concentre le pouvoir, c’est à Paris que nous devons nous faire valoir ! Les faits sont là : La France citoyenne a retrouvé son pouvoir d’expression, son pouvoir de dire NON et le Gouvernement semble l’ignorer. Est-ce de l’aveuglement, de la négation de faits ou une stratégie consistant à parier sur un pourrissement du mouvement social ?

L’exécutif a eu presqu’un an maintenant pour expliquer son projet. L’Assemblée nationale n’a eu que dix jours pour en débattre. Comment, dans ces circonstances, ne pas comprendre le mépris ressenti par les parlementaires opposés au texte ? Comment ne pas comprendre que l’on cherche à empêcher le pouvoir d’imposer une nouvelle fois une réforme très majoritairement rejetée, à raison, par les Français ?

Le seul objectif officiellement affirmé par les ministres chargés de ce dossier était d’avoir un vote sur l’article 7 -le recul de l’âge de départ en retraite- comme si les autres articles n’avaient pas d’importance, laissant à penser qu’ils obtiendraient une majorité à l’Assemblée pour le faire passer.

Les ministres savaient pourtant que, d’une part, qu’ils n’y parviendraient pas et que, d’autre part, le nombre de voix nécessaires était loin d’être acquis. Ils ont donc feint de s’indigner d’une obstruction qui, si elle était très discutable en prenant parfois des formes puériles ou estudiantines inadaptées (lol diraient les jeunes), n’en n’était pas moins légitime au regard de l’iniquité de cette réforme, de l’opinion des Français et de l’union syndicale qui, toutes deux, rejettent la réforme.

Nous en sommes là. Chacun a joué son rôle institutionnel. Le Sénat va maintenant étudier ce texte. Nous espérons qu’il prenne en compte ce que disent les corps intermédiaires et les citoyens de ce pays, partout sur le territoire.

Il y a un paradoxe dans l’attitude des opposants : L’agitation, le bruit parfois contre productif de la représentation nationale et le calme, la maîtrise du mouvement social massif. La détermination est cependant la même. Elle a rarement été aussi partagée et constante.

Alors comment donner forme au rejet de cette réforme injuste et injustifiée ?

Il faut permettre une mobilisation du plus grand nombre : jeunes ou moins jeunes, actifs ou retraités, urbains ou ruraux, précaires ou salariés protégés… sans que les moyens financiers soient un frein à la participation de chacun.

Jusqu’à présent, l’union syndicale peut s’enorgueillir d’avoir réussi les premières étapes. Elle a donné une force non violente considérable à la contestation massive avec une maitrise admirable. Il faut donc continuer à lui faire confiance pour organiser le mouvement et la mobilisation.

Nous encourageons ici toutes celles et tous ceux qui le peuvent à participer, où qu’ils soient, à l’initiative du 7 mars. Ce sera un jour déterminant, un point d’orgue qui en appellera d’autres et qui, pour le pouvoir, ne signifiera pas que la messe est dite !

Le 7 mars est donc la date que chacun doit retenir pour s’organiser et faire grossir encore et encore la multiplicité des cortèges dans tout le pays.

Mais cela ne suffira pas. Le Gouvernement le sait. Les politiques le savent et les syndicats aussi. L’histoire nous apprend que lorsque le pouvoir vacille il ne peut rompre que sous une pression autrement plus forte !

Il ne peut y avoir de prolongement au mouvement d’opposition que sous deux formes : la grève générale ou un rassemblement de masse organisé par l’union syndicale un dimanche à Paris avec des relais en régions s’il le faut.

Nous défendons ici l’idée d’une marche massive et significative un dimanche sur Paris. Et Il faut donner l’occasion à toutes celles et à tous ceux qui aujourd’hui, quelques soient leurs raisons, ne peuvent ou ne veulent pas manifester en semaine de se joindre à cette marche.

Imaginez un ou deux millions de citoyens dans les rues de Paris. Cet objectif n’est ni improbable, ni irréalisable. Il est souhaitable et il est faisable !

Nous sommes 70% de Français, 90% d’actifs de ce pays à rejeter cette réforme inique. Nous devons être des millions à fouler les boulevards. Nous devons être autant de voix et de visages à dire NON ensemble.

Nous devons pouvoir traduire ce NON massif en paraphrasant une expression abstraite aujourd’hui symbolique et en lui donnant un sens concret. Nous ne le dirons pas, nous le ferons solidairement, calmement, joyeusement mais avec détermination : En Marche!

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *