27 mars 2020

Tout reconstruire – Edito Lettre n°76

Par Julien Dray 


Ce serait drôle si cela n’était pas si grave. Car, la situation est grave. La France vit en effet un épisode pandémique terrible qui touche nombre de nos compatriotes, en a amenés certains en soins intensifs et qui, hélas, a déjà endeuillé nombre de familles.

Si la crise sanitaire que nous traversons inquiète légitimement les Français. Ils le sont peut-être d’autant plus que chacun sent les parfums mêlés du technocratisme le plus exacerbé au sommet de l’Etat et du bricolage le plus évident dans le choix des solutions fait heure après heure. Ce cocktail explosif est le sceau d’une faillite, celle d’un Etat, l’Etat français, rongé par le manque de vision, le jeu des coteries et celui des petits chefs.

Chaque jour est une pochette surprise d’où surgit une information chaque fois plus incroyable. Sur l’absence de tests, de masques (pourtant en vente sur… internet !) dont le stock se serait chiffré au début du quinquennat à 750 millions, sur leur mauvaise distribution (le choix de Geodis en lieu et place des distributeurs habituels ne peut qu’intriguer). Les hésitations, bafouillages, contradictions ne font que renforcer la désagréable impression d’une mauvaise administration du pays et ce depuis longtemps, bien avant l’arrivée du pouvoir macroniste.

Evidemment les complotistes se déchainent et une fois de plus ils se trompent. Un complot ? Non, une incurie, idiots !

L’absence, depuis trente ans, d’une véritable politique industrielle est également en cause. L’entreprise fabriquant les bouteilles d’oxygène nécessaires aux soins des patient les plus sérieusement atteints (LUXFER, située à Clermont-Ferrand) a été fermée sur décision de son actionnaire britannique. Quant à la seule usine (FAMAR, dans la région lyonnaise) fabriquant de la Nivaquine est en redressement judiciaire. Elle vient, il faut le dire, d’être revendue par son actionnaire américain. Comment a-t-on pu, au fil des années laisser péricliter autant d’entreprises, de sites de production ?

Chemin faisant dans ce barnum gouvernemental, nous croisons tantôt le mépris de classe, tantôt le mépris de caste.

Le Premier Ministre se perd dans ses considérations sur les promenades des enfants qui doivent s’effectuer « seul » comme sur la question des marchés sans que l’on comprenne, in fine, lesquels doivent rester ouverts. La confusion est extrême et d’abord dans la tête du Premier Ministre.

Le Secrétaire d’Etat à l’Intérieur déleste les « quartiers sensibles » de toute forme d’obligation quant au respect du confinement, accréditant l’idée selon laquelle l’Etat a abdiqué dans une partie du pays.

La Ministre du Travail exempte de tout confinement : employés du bâtiment, caissières et un grand nombre de salariés parmi les moins favorisés. L’inégalité sanitaire est ainsi confirmée.

La porte-parole du gouvernement, après avoir relativisé le port du masque, s’en est pris aux enseignants qui, pourtant, tentent de maintenir le lien avec leurs classes par le biais d’internet.

Sans doctrine claire et fixe, le gouvernement s’en remet à une forme d’empirisme dangereux, dont les conséquences ne sauraient se faire attendre. En outre, et chaque jour le prouve, sans puissance, c’est le langage guerrier qui s’impose.

La défaillance de l’Etat est là.

On constate aussi, hélas des formes d’égoïsme et de repli sur soi, mais beaucoup plus souvent l’invention de nouvelles formes de solidarité qui démontrent que bientôt, c’est à partir d’elles qu’il faudra tout reconstruire.

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