12 novembre 2022

L’ennemi public n°1 n’est pas celui que l’on croit ! – Edito n°132

M. Clément Beaune, ministre délégué aux transports, a déclaré lors d’une émission radiophonique « L’ennemi public numéro un, c’est le Rassemblement national ». C’est évidemment dans la droite ligne de la stratégie présidentielle ; une stratégie qui tente à discréditer ou à désigner un seul ennemi, quitte à sur-jouer les réactions et qui, aujourd’hui, fait flop. Une stratégie qui ne suffira plus, on le sait, à contenir l’extension du RN. Une stratégie qui, par ailleurs, cache mal les vraies raisons de cette dérive continue vers l’extrême droite.

Le problème est ailleurs et est bien aveugle celui qui ne veut pas le voir. Car les vraies raisons sont politiques, idéologiques, démocratiques et plus rationnelles que l’on pourrait les croire.

Emmanuel Macron a été élu, bien plus qu’aucun autre candidat à l’élection présidentielle, sur le rejet d’une partie de plus en plus réduite de la population face au RN. Son programme, pratiquement inexistant, et son rapprochement plus ou moins clair avec la droite ne peuvent pas être considérées comme le moteur d’une légitimité sans faille à son action.

Pourtant on fait comme si. Pourtant on poursuit sur le chemin des certitudes.

Les vraies raisons de cette inéluctable montée de la famille Le Pen, de leur parti et de leur électorat tient à des choix politiques. Ces choix ont permis d’une part au RN de trouver une place, une légitimité, une notoriété qu’ils n’auraient jamais dû avoir. Ces choix ont permis d’autre part au RN d’apparaître comme un parti fréquentable du point de vue social et économique ; un comble !

Certes, ça n’a pas commencé avec Emmanuel Macron sur certains points. La ghettoïsation des quartiers date de bien avant lui. Le fait que l’on ait laissé longtemps, le libre arbitre aux communes de faire de la mixité sociale ou pas, que l’on ait séparé il y a longtemps les zones de travail et les dortoirs populaires, que l’on ait plus ou moins abandonné ou laissé livrés à eux même des quartiers entiers ; tout cela a participé à faire monter les communautarismes, la délinquance, la précarité et la pauvreté. Le RN et le FN, avant lui, en ont fait un élément essentiel pour ancrer leur populisme.

L’obstination au tout libéralisme, à l’argent roi, au favoritisme de classe, à l’économie de l’actionnariat plutôt que de la juste répartition des richesses, à la privatisation ou la paupérisation de notre système social ajoutée à l’écart entre les discours, les mots et l’action réelle sur les toutes les crises que nous traversons, qu’elles soient sanitaires, écologiques, sociales, sociétales ou même démocratiques ; cette obstination explique à elle seule la quête, l’envie, le besoin des français à aller chercher ailleurs la garantie de leur avenir et de celui de leurs enfants.

Ce que l’on ressent pour une majorité de citoyennes et de citoyens dans la société française, c’est un sentiment d’abandon de valeurs. L’État qui instruit et soigne, l’État qui permet la justice, l’État qui protège socialement, physiquement et aujourd’hui écologiquement n’est plus à la hauteur des attentes légitimes du peuple et de son histoire. La montée de la violence, sans doute une conséquence de ce qui précède, renforce ce qui n’est plus un sentiment mais une réalité : L’insécurité généralisée.

S’attaquer aux vrais problèmes serait donc salutaire. Seul le pouvoir en place est en capacité de le faire. Malheureusement, le budget, passé aux forceps à l’aide de l’article 49 alinéa 3, montre tout l’inverse. Aucune révolution fiscale en vue, aucun rétablissement, aucun rééquilibrage n’est prévu pour plus de justice, pour le retour à une égalité digne de ce nom !

L’égalité, voilà un mot qui aurait pu servir d’objectif pour ce deuxième quinquennat. Mais les crises se suivent, la précarisation s’étend, les privilèges s’accroissent et on fait semblant de mettre des millions là où il faudrait des milliards, on continue à taxer davantage les pauvres et les classes moyennes, on continue à s’enfermer dans un dogme libéral qui a échoué, sauf pour les plus riches.

Voilà ce qu’est l’ennemi public n°1, M. Beaune !

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