28 septembre 2020

D’UNE JUPE ET D’UN MINISTRE QUI PRÔNE LA « TENUE RÉPUBLICAINE » POUR LES FILLES…

Par Delphine Pineda

Un fait divers parmi d’autres en 2020 en France : encore une étudiante insultée et frappée parce qu’elle porte une jupe…

Vivre en 2020 en France, et ne toujours pas pouvoir s’habiller comme on le souhaite lorsqu’on est fille ou femme et qu’on sort dans la rue ? Oui, il y a quelque chose de toujours aussi grave dans ce fait si fréquemment rapporté ces derniers temps. Oui il y a quelque chose qui dérape encore et qui dérange, et oui il y a un courant d’ordre moral qui depuis quelque temps refait surface dans notre République.

Cet ordre moral qui exige des filles et des femmes qu’elles ne soient plus provocantes dans la rue et qu’elles baissent les yeux devant l’homme.

Cet ordre moral qui veut absolument ramener les filles et les femmes à un statut très cadré et parfaitement défini par une archaïque pensée. Une pensée archaïque pourtant aujourd’hui toujours véhiculée par des livres, des intellectuels, des professeurs et des églises : celle de la pudeur féminine et au delà celle de l’assujettissement des filles et des femmes à un « alter non ego » masculin plus fort et plus haut qu’elles.

Entendons-nous bien, ceci n’est pas que l’apanage des intégristes religieux comme certains voudraient nous le faire croire. Il n’y a qu’à écouter cette récente et si curieuse injonction d’un ministre de la République française en exercice, exigeant que les élèves s’astreignent désormais à porter une tenue « républicaine » lorsqu’elles se rendent à l’école ! Oui, vous avez bien entendu et bien lu, en 2020 en France, un ministre de la République en exercice se mêle d’établir le porté « républicain » et le porté « non républicain », c’est à dire le « provocant » et le « non provocant » en matière d’habillement scolaire pour les filles, nos filles !

Pourquoi relier ces deux affaires me direz-vous ?

Figurez-vous, chères lectrices et chers lecteurs qu’il existe en France une loi sur le harcèlement de rue que visiblement Monsieur le ministre et quelques autres semblent ne pas avoir lu ou bien ne pas avoir encore à l’esprit ! Et c’est infiniment regrettable et c’est infiniment coupable.

Cette loi promulguée en 2018 donne en effet le droit à chaque fille et à chaque femme de s’habiller comme elle le souhaite, et ce à n’importe quelle heure du jour et de la nuit, où qu’elle se trouve en France. Cette loi a été conçue dans le but d’affirmer haut et fort que celles qui subissent en tant que femme des agressions verbales et/ou physiques ne sont pas les coupables, mais que ce sont bien leurs agresseurs qui sont coupables d’un acte contraire à la loi, et que ce sont bien leurs agresseurs qui sont en position de devoir rendre des comptes devant l’Institution, que les agressées aient été en jupe, courte ou longue, en jean, en short, en top, maquillées ou pas maquillées au moment de l’agression.

Cette loi est bien une loi de justice destinée à désormais protéger les citoyennes françaises et leurs filles de toute accusation de provocation, si facilement invoquée par les hommes agresseurs.

Alors Monsieur le ministre Blanquer, vous qui exigez désormais que chaque fille se rendant à l’école porte une « tenue républicaine » « non provocante » : est-ce votre façon de nous dire qu’au sein même de nos écoles, votre ministère est à ce point impuissant et incapable d’agir contre les pulsions testosteronnées de la gente masculine ?

Est-ce votre façons de nous dire qu’il est incapable de protéger nos filles de potentielles agressions ?! Ou bien n’est-ce pas en fait l’occasion pour vous de tirer à votre profit cet ordre moral qui s’en prend toujours en premier lieu aux filles et aux femmes, à leurs corps ainsi qu’à leur liberté ?

Chère lectrice, cher lecteur, peut-être pensez-vous que nous sommes loin d’en être arrivé à de telles extrémités… et pourtant… Regardons autour de nous, écoutons, lisons et réalisons à quel point cet ordre moral dont les femmes et les filles font comme d’habitude les premières les frais est en marche. Constatons le combat idéologique entre deux factions opposées en cours aujourd’hui, avec d’un côté celles et ceux qui souhaitent à tout prix aller de l’avant, en mordant la vie, ses bonheurs et ses aléas à pleines dents et de l’autre celles et ceux qui se raccrochent aux âges anciens, ces âges sombres où la femme doit se rendre invisible, baisser les yeux et s’habiller d’une façon parfaitement définie, tout en pudeur, afin de ne pas subir la raillerie, l’insulte, l’opprobre et le rejet ?

Cher Emmanuel Macron, cher Jean-Michel Blanquer, cessons de jouer avec le feu. Laissez les établissement gérer les élèves, ils sauront le faire, assurément mieux que vous.

Et faites par contre en sortes que la loi contre le harcèlement de rue qui a été promulguée soit enfin appliquée. Faites en sorte que tout soit mis en oeuvre pour que dès leur plus jeune âge et tout au long de leur vie, les garçons apprennent le respect absolu des filles et des femmes, et leur reconnaissent instamment ce droit à avoir exactement la même liberté, la même égalité, le même respect qu’ils s’accordent à eux mêmes et qu’ils accordent à leurs proches masculins.

C’est là votre travail, votre seul travail en la matière, et il est urgent que vous vous y atteliez afin de enfin rendre possible le « vivre toutes et tous ensemble » dans notre République. Merci.


LOI n° 2018-703 du 3 août 2018 renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes (JUSD1805895L) https://www.legifrance.gouv.fr/dossierlegislatif/JORFDOLE000036730730/

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