Par Yoan Hadadi
863. 863 personnes. 863 familles. 863 salariés dont les emplois avant vont disparaitre après la décision « irrévocable » de la direction de Bridgestone.
A ce nombre, il faut ajouter les centaines d’emplois indirects dans une région rarement épargnée par les soubresauts de l’économie de marché. A Béthune, on connait la chanson et la valse des ministres qui se succèdent. Ce refrain entonné régulièrement par les pouvoirs publics, toutes tendances confondues. Mais, il demeure cette petite musique de l’espoir. Ces scenarios alternatifs de reconversion du site dont nous ne pouvons qu’espérer qu’ils ne soient pas simplement des éléments de langage au service de la communication gouvernementale.
Peu importe que le groupe Bridgestone ait réalisé 2,5 milliards d’euro en bénéfices nets pour l’année 2019, la décision a été prise sans sourciller. A chaque fois, c’est la même rengaine. Une fermeture, quelques visites de personnalités politiques de premier plan, des promesses, de l’argent public est même investi (on parle dans cette affaire d’une promesse de 100 millions d’euro de l’Etat et des collectivités pour permettre de reconvertir l’usine). Puis, on ferme le ban. Les familles restent. Leurs enfants viendront après eux.
A une époque pas si lointaine, on poussait la mauvaise farce jusqu’à installer des parcs d’attraction en lieu et place des anciennes usines. Là où plusieurs milliers de personnes s’activaient à gagner des salaires faisant vivre des familles entières, on créait quelques emplois précaires pour amuser la galerie. Nous avons ainsi eu notre lot de schtroumpfs en Moselle. Cependant, les larmes ont rapidement remplacé les rires. Ici, les murmures de la révolte ne se seront dissipés qu’à la faveur de la proximité de Luxembourg et de son modèle économique permettant à ce petit pays d’en faire vivre plusieurs. Mais, tout le monde n’a pas la chance de vivre à la frontière ouverte d’un monde globalisé.
La question doit désormais être posée directement et sans emphase : la France a-t-elle une vision à long terme pour son industrie et les près de 3 millions de personnes qui y travaillent ?
La crise sanitaire en cours a démontré les problèmes concrets soulevés par l’affaiblissement du secteur industrielle. L’incapacité à produire des fournitures aussi basics que des masques, des gants et des sur-blouses n’est pas un hasard, mais le fruit de plusieurs décennies de choix stratégiques. Une économie reposant sur une sectorisation avec 3 emplois sur 4 dans le tertiaire (76%) et moins de 0,5 emplois sur 4 dans l’industrie (13, 8%) présente-t-elle un projet de société satisfaisant pour l’ensemble de ses citoyens ? Cette économie permet-elle de garantir des emplois stables, des salaires décents et un ensemble de protections sociales dignes ? La réponse des actuels salariés de Bridgestone, de la verrerie Duralex, de General electric de Zodiac, de Comatelec, de Latécoère, … et avant eux d’Arcelor Mittal, de Continental ou de tous les autres, ne fait aucun doute.
Le modèle économique français du tous services ne permet pas un développement durable dans un contexte environnemental d’urgence climatique. Un grand débat public doit s’ouvrir sur le modèle économique de la France dans l’Europe afin d’affronter le présent et de définir la stratégie pour les 5 prochaines décennies reposant sur trois piliers : justice sociale, émancipation individuelle, développement environnemental.
Les 863 de Béthune n’attendent pas des promesses et tours de chants, ils veulent des résultats. Ici et maintenant.
https://www.facebook.com/groups/171451933557529/
Vous souhaitez recevoir La Lettre l’Engagé(e) directement dans votre boite mail ? Envoyez-nous un mail à l’adresse suivante : lengagee.lettre@gmail.com