27 novembre 2018

Répondre aux Gilets jaunes par un impôt juste et l’évaluation par tous de l’action publique!

par Frederic Scanvic & Daniel Goldberg

Entre deux manifestations des gilets jaunes,nous disions la semaine dernière que,si la jacquerie fiscale à l’œuvre sous nos yeux venait de la fameuse France périphérique, ce n’était pas un hasard.

Il ne s’agit pas seulement de dénoncer le niveau des impôts et des taxes,mais bien de souligner l’incroyable affaiblissement du service public qui est le lot commun de cette France des campagnes, des banlieues et des petites villes.

Au delà des images parisiennes et de quelques rares images des régions soigneusement soulignées par le ravi de Beauvau, le fait marquant consiste en des provinces bien plus mobilisées que Paris. Signe d’une absence d’organisation certes, mais preuve d’une réalité territoriale tout autant.

Face à ce constat, on peut évidemment commencer par exiger du gouvernement de la justice fiscale, revendication au cœur de nombreuses manifestations. Si, face aux besoins et aux déficits, l’effort fiscal ne peut être trop relâché, il ne suffit pas que l’impôt soit égal, voire même proportionnel pour qu’il soit juste.

En effet, l’impôt français s’est bâti sur la progressivité. La réduction des impôts doit prendre en compte ce principe et non pas être à rebours comme c’est le cas depuis le début du quinquennat où E. Macron et sa majorité réussissent à justifier des baisses d’impôts plus fortes pour les plus riches que celles décidées pour les classes moyennes et les plus pauvres. Or, la cohérence voudrait que les baisses de contribution fiscale des moins aisés soient au minimum proportionnelles à leur capacité contributive. Voilà ce qui pourrait être une réponse de justice audible par le mouvement des gilets jaunes.

Non seulement, depuis 2017, l’effort fiscal porte toujours plus sur les mêmes, mais, en même temps, le gouvernement persiste et amplifie une politique ancienne de réduction des moyens des services directement affectés au public. Le gouvernement reste sourd à toute vraie logique de rationalisation et d’efficacité de la dépense publique, privilégiant la funeste technique du rabot : à missions constantes, à organisation inchangée, on baisse les dotations budgétaires. Les théoriciens de la start-up nation devraient pourtant savoir que cette méthode mène dans le mur et que la mettre en œuvre en attendant, le dos rond, un retour à une croissance meilleure qui permettrait de repartir comme avant est au mieux inefficace au pire dangereux.

Nos start-upeurs politiques, autoproclamés champions du management-du-pays-tel-que pour-une-entreprise, devraient savoir que, dans les faits,une entreprise qui procède ainsi sans s’occuper du service rendu à ses clients court inéluctablement à la faillite.

Le danger est pourtant devant nous : la déclaration des droits de l’Homme pose deux principes fiscaux essentiels, le consentement à l’impôt et le droit de se rendre compte de l’utilisation des fonds publics. Or, beaucoup ne consentent plus et nombreux dénoncent l’opacité de la dépense publique. Il faut rendre la dépense publique plus juste et efficace.

Il faut parler calmement des missions qui sont celles de la puissance publique et les hiérarchiser, définir leurs besoins sur des bases pluriannuelles et s’y tenir. Il semble que, dans quelques heures, E. Macron va nous annoncer des conférences territoriales centrées sur les besoins. Le principe est bon, mais tout laisse à penser que la méthode sera mauvaise faute d’avoir défini d’abord les missions et d’avoir quantifié les besoins et, osons le dire, les droits du public, sur une base quantifiée, objective et égalitaire, comme, par exemple, la distance maximale garantie à un service public.

Il faut refonder la décentralisation devenue avec le temps une gigantesque usine technocratique où les compétences des uns et des autres sont illisibles et emmêlées ; où la politique du contrat entre collectivités tient lieu de méthode, où la fiscalité ne correspond plus à la réalité des missions. Comment espérer consentement à l’impôt et lisibilité quand l’impôt direct se mêle soigneusement aux dotations, quand les cofinancements servent de cautère à la jambe de bois de la disette fiscale de certaines communes et de certains départements, quand les transferts de compétence se font sans autre logique que la régulation de court terme des fin de mois de l’État, quand l’État décide que ses politiques publiques doivent être mises en œuvre d’autres sans transférer la ressource nécessaire, comme c’est le cas pour le RSA avec les départements ?

Il faut systématiser et professionnaliser l’évaluation des politiques publiques avant même toute réforme législative : chaque gouvernement « fait » sa loi logement. La dernière vient d’être promulguée. Gageons que la prochaine viendra dans les premières heures du prochain quinquennat. Où est l’évaluation sérieuse des lois précédentes ? Au-delà de la fameuse posture de réformateur en profondeur, E.Macron peut il affirmer sérieusement avoir procédé à l’évaluation de la loi El Khomri qui n’avait même pas deux ans quant ses ordonnances travail sont sorties ? Ou accepterait-il de reconnaître qu’il a joué avec la loi pour régler les comptes des arbitrages qu’il avait perdu quant il n’était que ministre ? L’étude d’impact des ordonnances ne le dit pas, mais les études d’impact de nos lois sont devenus un pauvre exposé des motifs inutile. Quand le Parlement sera-t-il doté des moyens techniques et humains nécessaires à cette mission tout autant essentielle que celle de faire la loi ?

De même,il faut doter les collectivités publics d’outils sérieux de contrôle. Il ne s’agit pas ici de recopier le rapport de la Cour des Comptes et ses avatars que sont le Canard enchaîné au mieux, A. Verdier-Moliniéou J-Cl.Bourret en pire. Il s’agit d’être un tant soit peu plus en situation d’identifier les failles de l’action publique, de les prévoir plutôt que de les subir.

La vraie réforme serait de passer de la culture actuelle – assez facile finalement – du constat ex post à une pratique plus exigeante, mais nécessaire pour l’ensemble du pays et le lien entre les citoyens, celle du pilotage ex ante, qui associe vraiment les Français sur tous les territoires à la conduite du pays. Bref, tout le contraire d’un Jupiter tentant de ne pas tomber si vite de l’Olympe.

Frederic Scanvic

 

 

Daniel Goldberg

 

 

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