1 avril 2020

« L’Insoutenable légèreté de l’être »

Par Nathalie Raffort


Dans le nouveau monde, dans la communication et l’immédiateté, nous avons perdu la mémoire des épidémies. « L’Insoutenable légèreté de l’être ».

Une épidémie, et à plus forte raison une pandémie, ce n’est pas une guerre. Une guerre a un début, est organisée par la volonté humaine, et a une fin.

Une épidémie ne se décide pas. Si par certaines de ses conséquences, nous devons faire face à un état social qui s’apparente à un état de guerre, on ne se bat ni avec les mêmes moyens, ni les mêmes armes.

Jamais.

C’est une erreur de raisonnement que d’aborder les choses de cette manière. Erreur grotesque et dangereuse, qui rajoute de la peur à la peur, et provoque une incohérence des réponses.

Tout le monde a peur, et ce avec raison. C’est sain la peur. La peur est notre salut : tout d’abord, elle nous rappelle que nous ne sommes pas invincibles, et elle nous conduit à la prudence et la mesure. Ce ne sont pas tous les va-t-en guerre qui vont nous permettre de nous sauver face à l’épidémie.

Nous sommes au contraire engagés dans une course de fond, où tous nos repères s’effondrent, où toutes nos certitudes ne sont plus que doutes. Il faut agir avec rigueur, détermination, calme et mesure.


Aujourd’hui les moyens de contenir la propagation se mettent en place : mesures de « confinement » individuel : masques, mesures barrières-lavage des mains, tenue, tests et bientôt sérologie des immunisés, moyens pour les personnes vecteurs de santé, moyens pour les structures de santé, mise en place de traitements qui s’affinent, et dans quelques mois, vaccins.

Impossible d’entendre que nous en avons encore pour quelques mois ? Impossible de se projeter et de se dire que nous ne reprendrons une vie « dehors » une fois que les mesures barrières (confinement compris) auront produit les premiers effets bénéfiques ?
Et si nous devons rester avec des masques jusqu’à ce qu’on trouve un vaccin (quelques mois) est-ce si dramatique ?

L’important c’est de se protéger les uns les autres. Un virus n’a pas de morale, n’a pas de valeurs, pas de frontières, pas de passeport. Nier les autres c’est tous nous condamner.

Nous sommes en train de lutter contre une pandémie. Il n’y a pas à tergiverser. C’est simple, clair et efficace.

Ces mesures frappées du bon sens doivent s’imposer à tous. Mais elles doivent être avant tout comprises, et chacun doit s’en imprégner afin d’adopter les bons comportements.

Mais ces bons comportements ne pourront être compris que s’ils s’appliquent à tous.

Or le gouvernement ouvre une brèche dans le dispositif qu’il met lui-même en place, et nous suggère d’aller travailler sur les chantiers ou à la campagne, et abolit la durée du temps de travail.

Comment dès lors se comporter en citoyen responsable si les exemptions et les entorses à la règle se multiplient ?

Le gouvernement nous dira : « C’est pour que l’économie continue à fonctionner parce que nous sommes en guerre ».

Ce n’est que de l’autoritarisme, qui de plus se révèle absolument inefficace. Alors que nous demandera-t-on pour l’après ? « L’économie » aura-t-elle besoin d’esclaves pour se reconstruire ?

Quand des pans entiers de l’économie vont s’effondrer voire disparaître, quand la « guerrisation » va exacerber la violence et le désespoir, sera-ce cela la réponse ? Travailler de manière dérégulée pour retrouver la croissance perdue le temps de la catastrophe sanitaire ?

Plus que tout, il nous faut inventer un avenir basé sur d’autres principes, sur d’autres valeurs que celles qui sous-tendent cette politique. Pour nous c’est la double peine : fragilité face au virus, acteurs de la société envoyés au « front » sans armes, abandon de l’Etat et après, retour au très vieux monde d’avant 1936. On sera tellement content de s’en être sortis qu’on acceptera tout sans s’en rendre compte.

Et ce sera plébiscité comme une victoire ou un « tais-toi on avait pas le choix, traîtres pendant, jamais contents après, pas solidaire ».

Mais oui, on avait le choix et on a toujours le choix

Comment penser l’antienne : « cela a surpris tous les pays, on n’y pouvait rien ». Le « On n’y a pas cru » ne peut pas servir d’échappatoire à ses responsabilités.
Lorsque que l’on vous dit cela, ça veut bien dire qu’on savait.

Donc on savait, mais………………….Cassandre a raison, et elle est condamnée à ne jamais être écoutée.

Ceux qui nous dirigent n’ont pas été solidaires avec nous. Comment ne pas relayer le « Vous pouvez compter sur nous, pouvons-nous compter sur vous ? » des soignants, des pompiers, des caissières, etc, bref de nous toutes-s ? Le gouvernement, a priorisé des choses bien plus sérieuses pour lui que la santé de la population. Cette grossière erreur lui fait perdre aujourd’hui ce qu’il a cru favoriser hier.

Ne savait-il pas que l’hôpital public était au bord de la rupture ?

Grande réponse : on va reconstruire l’hôpital (public ?), vous aller voir ce que vous aller voir…

Est-ce le système hospitalier qui a été défaillant ? Force est de constater que malgré l’absence de protections les soignants assurent. Faut-il justifier leur mort en les classant en héros ? Non, ils sont morts parce qu’ils n’ont pu bénéficier de masques…ni la population, qui doit rester enfermée.

Ce qui a été défaillant c’est le volet prévention de notre système de santé. Dans l’organisation du système de santé l’hôpital public n’en est qu’un volet. Nous sommes dans un hospitalo-centrisme et une vision curative de la santé qui nous conduit à toujours prendre les choses à l’envers. Cela doublé à la perte de repères du bien commun et la dévalorisation du public en faveur du privé, le mélange fût détonnant. Nous le voyons aujourd’hui.

C’est bien l’organisation de notre système de santé qui a été incapable de réagir face à l’épidémie. Ce n’est pas l’hôpital qu’il faut reconstruire, c’est la santé publique qu’il faut organiser. Face à une maladie dont on ignore tout, sauf son mode de propagation, les mesures de préventions sont le cœur de la lutte. Le masque est aujourd’hui ce que la capote fût au début de la pandémie du SIDA.

Ces savoirs étaient connus, mais il n’y a pas eu de volonté de les mettre en place.

Bien sur ce n’est pas d’aujourd’hui que ça date, mais force est de constater que ça c’est brutalement aggravé ces dernières années malgré le cri des soignants particulièrement méprisé.

La recherche, la prévention c’est cher et ça ne rapporte pas, l’hôpital public coûte trop cher, etc. Ce dramatique rappel, face à la crise économique mondiale due à une pandémie, nous fait comprendre que finalement ce n’est pas si cher.

D’autant moins si on pense que l’être humain et son intérêt doit être au centre de nos préoccupations et décisions, et ce avant toutes autres considérations.

Le président en a pris conscience et le grand chantier est devant nous. Au regard de comment ça a été organisé jusque maintenant- on meurt par défaut logistique- la question est : rassurant pour qui ?

Dans cette catastrophe sanitaires les soignants ont prouvé qu’ils n’avaient besoin de personne pour s’organiser, le seul devoir du président et de son gouvernement était de fournir les moyens.

Nous avons notre responsabilité à gauche dans le renoncement à garantir la protection des populations face aux pandémies. C’est bien le gouvernement Heyraut qui a « lâché » la gestion des stocks de masques, charlottes, surblouse/tenue.

C’était cher, les stocks prenaient de la place (sic). Nous avons raté la marche de la ré-organisation du système de santé publique. Néanmoins pas comme les autres gouvernements, mais nous ne sommes jamais allés au bout des choses. Supprimer des lits, diminuer le temps d’hospitalisation, développer l’ambulatoire, fermer des maternités, regrouper des établissements. Certes, il faut modifier notre organisation, mais nous nous sommes fourvoyés en partant de l’hôpital afin de le rendre rentable, et responsable de ne pas avoir avant, su organiser un maillage fort en amont du recours à l’hôpital. C’est des besoins de la population qu’il faut partir, car avant d’être soigné il faut préserver notre santé qui ne dépend pas que des soignants.

Alors, à nous, courageux de regarder en face nos défaillances, forts de l’analyse de nos erreurs et manquements, reconstruisons un projet qui ne fait pas du compromis une compromission.

La question symbolique aujourd’hui est : où sont les masques ?
Effectivement ce serait drôle si ce n’était pas si grave

 

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