29 mai 2018

Un mot d’ordre n’est pas une sommation !

Par Julien Dray

On le voit, on le sent, on l’entend. De plus en plus de citoyens, sur de plus en plus de sujets, montrent un agacement quand ce n’est pas de la colère ; une colère tintée de désillusion.

La force de l’indignation que suggérait Stéphane Hessel trouvera-t-elle le chemin pour imposer justice sociale et réel progrès ou bien la résignation s’imposera-t-elle face au dédain de nos dirigeants ?

Il y a bien aujourd’hui une volonté de déconstruction d’un modèle hérité des lumières, une stratégie de déstabilisation des contre pouvoirs, de contournement de tous ceux qui dans les associations par exemple garantissent et préservent du lien social.

C’est donc bien la question sociale qui est en jeu et c’est bien sur cette question là qu’il ne peut plus y avoir d’ambiguïté, à quelque niveau que ce soit et dans quelque structure que ce soit, qu’elle soit syndicale, politique ou associative.

Le rejet de cette politique antisociale est profond et il mérite un traitement en profondeur.

On ne peut se satisfaire d’une contestation usant par trop d’injures à l’égard du pouvoir. Il est même contre-productif de contester sans démontrer. Le besoin de comprendre impose de faire œuvre de pédagogie d’une part, pour mettre fin aux illusions que suscitent les discours et d’autre part, pour convaincre qu’une autre approche de la politique sociale est non seulement possible mais également urgente.

La réalité commence à ce faire jour, les premiers résultats le montrent et il nous appartient de l’expliquer à ceux qui ont cru que la fusée Macron nous emmènerait vers un nouveau monde tellement meilleur !

La société a changé…doux euphémisme. La puissance des médias, la concentration des pouvoirs, les révolutions numériques et écologiques en cours, l’explosion des formes traditionnelles de partis politiques imposent de reconsidérer, de revisiter, de réinventer aussi les formes de contre pouvoirs.

La mobilisation, elle, ne s’impose pas et moins encore aujourd’hui qu’hier.

On ne peut guère s’instituer « le peuple », le sommer de se mettre en rang derrière un sondage téléguidé décidant sur quelle tête mettre la couronne du meilleur opposant. On ne peut pas accumuler des dates en décidant par avance qu’elles seraient chaque fois LE RDV du peuple avec son destin.

On ne peut pas se passer d’une organisation démocratique visant à une décision collective des mouvements quelque soit la forme : assemblée générale, comités de grèves, coordination, journée d’action en direction de la population…

Enfin, on ne peut pas non plus contourner l’histoire, laisser s’installer une confusion, mélanger dans un savant cocktail des forces qui pour être complémentaires n’en doivent pas moins rester distinctes : Il y a le syndicat pour la défense des intérêts matériels et moraux des citoyens au quotidien, les partis pour le projet politique de gestion de la société et les citoyens libres pour la mobilisation sur de multiples actions citoyennes et associatives !

Il ne s’agit donc pas d’une hiérarchie de niveaux de conscience ; ses formes d’actions sont indépendantes les une des autres et il est essentiel qu’elles le restent. En politisant d’amblée le mouvement social ou en choisissant au premier chef l’affrontement avec le gouvernement on prend le risque d’affaiblir le message syndical et le message politique. C’est dans la confrontation que la conscience collective évolue.

Il est donc nécessaire d’être clair sur les objectifs en choisissant des mots d’ordres rassembleurs communs à tous avec un principe majeur à appliquer à tous les niveaux : l’unité.

L’unité ne se décrète pas !

L’unité n’est pas une affiche sur laquelle sont inscrits les noms de ceux qui seraient reçus à l’examen ! ce n’est pas le mélange des genres et ce n’est pas non plus une caution unitaire de façade pour l’accès à la propriété d’une entité qu’on appellerait « le peuple ».

Si un parti ou un leader se détache, alors il porte la lourde responsabilité du rassemblement ; un rassemblement qui ne peut pas être un procès à charge sur le passé de tel ou tel, qui ne peut pas être une condamnation à se rallier ou à se démettre. Si tel avait été le cas avant 1981, s’il avait fallu en passer par des recherches de culpabilité, par des débats sur le seul sujet de « à qui la faute », jamais François Mitterrand n’aurait pu faire l’unité avec le parti communiste d’alors. Voilà au moins une leçon du « vieux monde » que l’on peut retenir !

l’unité ne se décide pas d’une seule voix, aussi céleste soit elle. Elle commence d’en bas. Elle invite chacun, chaque citoyen à une prise de conscience collective. Elle se construit politiquement ensemble !

Personne aujourd’hui ne peut imposer l’unité sous condition de leadership. La tentation d’hégémonie rend aveugle et participe à la division plus qu’au rassemblement. Personne n’incarne aujourd’hui, ouvertement, une opposition de rassemblement de toute la gauche réformatrice, progressiste, internationaliste, pas plus le parti socialiste qu’un autre mouvement ou parti de gauche.

C’est donc bien ensemble que nous devons y travailler en mettant fin aux divisions sans abandonner nos différences ; nous en ferons alors une force !

L’unité des luttes est sans doute un mot d’ordre plus mobilisateur que la recherche d’une convergence que l’on voudrait décréter et qui pourrait conduire à l’éparpillement ou à l’affaiblissement.

Des objectifs clairs et des mots d’ordre rassembleurs :

L’abandon de la réforme de la SNCF ici, le refus d’une sélection élitiste à l’entrée de la faculté là, entre autres, sont des objectifs atteignables si l’unité syndicale prévaut sur leur concurrence, si la gauche se retrouve pour les combattre ensemble.

Enfin, comme nous le soulignions la semaine dernière, le danger d’une perte de lien social est prégnant. Parmi les secteurs associatifs touchés par les politiques de restrictions budgétaires, il y a celui de l’éducation populaire.

Ces associations œuvrent au plus près de ce qu’on nomme parfois de façon péjorative : « les vrais gens ». Elles sont non seulement un gage de lien social mais bien souvent elles tracent également un chemin vers le libre arbitre et l’émancipation. Comme pour d’autres secteurs associatifs, elles sont donc d’intérêt public ! elles doivent être défendues comme telles par la gauche toute entière.

Il est maintenant urgent que l’ensemble du tissu associatif se mobilise, que l’ensemble de la gauche s’associe à cette mobilisation pour coordonner et organiser une grande marche nationale de l’éducation populaire, de l’action sociale et culturelle. Nous en serions ! parce que ce seul mot d’ordre de « l’éducation populaire » est commun à toute la gauche et même au delà!

Julien Dray 

 

 

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