8 avril 2020

Tous coupables ? – Edito Lettre n°79

Par Julien Dray 


Dans une certaine mesure on pourrait répondre Oui à cette question.

N’est-ce pas parce que nous avons dans un passé récent – pas que d’ailleurs- fait un choix collectif d’une société où la liberté individuelle prime sur l’égalité ; où le consumérisme est un droit, voire une échelle de valeurs ; où le profit s’impose à l’impôt que nous en sommes là ?

On pourrait répondre oui. Ce serait cependant tomber dans le piège tendu par le pouvoir.

Nous ne sommes pas tous égaux devant cet évènement, devant cette crise sanitaire. Il y a autant de situations que d’individus, de communautés, de familles. Il y a autant de façons d’appréhender cette période, que de situations géographiques, sociales, culturelles.

On le constate. Chacun ne réagit plus tout à fait en fonction de ses propres valeurs mais en fonction de son choix personnel immédiat et des possibilités qu’il a de les assumer. Cela tend de fait à opposer les uns aux autres. On devient juge, policier, traqueur voire délateur. On condamne sans retenue. On ne distingue plus les uns des autres ; les manquements aux règles des attitudes répréhensibles de pleine conscience. On cherche un coupable à proximité : son voisin, un jogger, le promeneur compulsif de son chien, la famille qui prend l’air….

La raison du confinement devrait s’imposer à tous. C’est une évidence.

Mais jusqu’où sommes-nous capables d’aller pour l’imposer de façon coercitive ? sommes-nous prêts à voir nos libertés collectives abîmées de façon pérenne ? sommes-nous prêts à voir privilégier les contrôles, la répression, la capture de données, le fichage individuel ? sommes-nous prêts à donner carte blanche à un pouvoir qui, lui même, a admis en creux une erreur de choix de société ?

La stratégie de l’exécutif apparaît très clairement. On a choisi la culpabilité, la responsabilité individuelle et citoyenne. On montre du doigt les fautifs tout en portant au pinacle ceux que l’on a usés, humiliés, fustigés hier. On nous dit quels sont les bons et quels sont les mauvais.

Ce faisant on essaie de faire oublier la seule responsabilité qui vaille. Et la seule qui vaille, c’est bien celle du pouvoir.

L’anticipation, la gestion, la décision ; elles n’appartiennent pas à chacun d’entre nous. Elles sont le fait de choix politiques. Elles sont, dans le moment présent, l’apanage du président et de son gouvernement.

C’est bien parce que plus personne, ou si peu, ne fait confiance à l’exécutif ; c’est bien parce que la peur ici, le nihilisme ailleurs ont remplacé la solidarité collective que nous ne parvenons pas à avoir une attitude collective résonnée, voire raisonnable.

Le dire ce n’est pas admettre ou cautionner les dérives. Ce n’est pas davantage donner raison à la peur ou au nihilisme. C’est prendre conscience du piège que l’on nous tend et c’est salutaire.

Il faut réapprendre une discipline collective, pour nous et pour les autres.

Aujourd’hui, la discipline collective c’est évidemment de rester confiné, de respecter les consignes de distances, de porter un masque systématiquement dès qu’on le peut ! Et c’est aussi parler avec ses voisins, avec l’autre. Nous devons réapprendre et faire ensemble !

Demain, il ne s’agira pas de reprendre tranquillement le chemin de l’individualisme, du chacun pour soi mais de construire ensemble une autre société. Une société qui associe le besoin de services publics, le besoin d’anticiper, de protéger et le besoin de liberté.

Allez savoir s’il ne s’agirait pas de réhabiliter un mot un peu disparu de notre vocabulaire des valeurs : Emancipation.

Une émancipation collective pour construire un projet collectif. Les prémices d’un pacte républicain de reconstruction nationale et Européenne seraient possible.

Tout un programme. Nous serions alors tous responsables !

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