12 novembre 2018

Fiscalité : La goutte qui fait déborder le vase !

Par Julien Dray

Dans le vieux monde on identifiait le rapport à l’impôt comme un antagonisme irréconciliable entre la gauche et la droite.

La première privilégiait plutôt l’impôt direct quand la seconde préférait garantir l’essentiel du budget de l’état à travers les taxes dont la TVA. La première défendait l’effet progressif des retenues et le salaire différé qu’elles préparaient quand la seconde assumait de limiter l’impôt sur les revenus et sur le travail en créant des taxes : les mêmes taux pour tout le monde en fonction des produits et des secteurs.

La France est aujourd’hui, derrière le seul Danemark, le pays le plus imposé du monde. Les choix politiques, de droite et de gauche, de ces 20 dernières années ont confirmé cette position, sujet de bien des polémiques. L’aveuglement qui a conduit les gouvernements successifs à privilégier, coûte que coûte, la croissance, les équilibres financiers, l’emploi, les marges de manœuvres de grandes entreprises…. Ont, d’une part, manqué souvent à la plupart de leurs objectifs et ont eu, d’autre part, un effet négatif sur ce qui justifiait historiquement un taux élevé de l’imposition : la redistribution. Notre système est en effet de moins en moins re-distributif.

Il ne faudrait cependant pas oublier que nous avons encore aujourd’hui, grâce en particulier à l’impôt, l’un des tous meilleurs systèmes de protection sociale au monde. A titre de comparaison, alors qu’aux Etats Unis le taux d’imposition global est de 20 points inférieur à la France, C’est au citoyen de constituer sa propre épargne, pour assurer les études des enfants, pour se soigner correctement, pour assurer financièrement les périodes sans emploi ou pouvoir profiter d’une retraite décente.

Si une réforme d’envergure du système français s’impose donc aujourd’hui, Elle n’est pas analysée, identifiée et interprétée de la même manière, selon que l’on soit adepte d’une mondialisation dérégulée ou défenseur de justice sociale. C’est un enjeu politique majeur et il semble bien que faisant appel à des valeurs idéologiques, il réveille un peu le combat opposant la gauche et la droite.

C’est bien le choix d’une adaptation forcée à la mondialisation qui a conduit Emmanuel Macron à réformer les prélèvements en France. Il a suivi en cela les théories libérales, largement répandues dans les sociétés dites développées, en s’attaquant aux dogmes qui fondaient un système de solidarité hérité, en partie pour la France, du conseil national de la résistance.

Ce faisant, en favorisant ce qu’il a appelé « les premiers de cordée » au détriment de tous les autres, il a mis en place une fiscalité dont l’adjectif était jusque là réservé à l’écologie lorsqu’elle apparaissait injuste ; une fiscalité punitive.

Les retraités sont les premiers punis, suivis par les habitants des zones périurbaines et rurales, puis par les chômeurs. Les couches populaires et les couches moyennes payent ainsi le prix fort d’une réforme en cours alors que les dividendes sur le capital et les revenus des « super » riches ont explosé en seulement un an.

Les travailleurs auraient vu leur feuille de paie augmenter ? Il s’agit là d’une conséquence à courte vue. L’inflation repartie à la hausse, les augmentations diverses et quelques fois exponentielles, entre autres de l’énergie, annulent le gain de pouvoir d’achat revendiqué pour les salariés par le gouvernement et grèvent dangereusement les salaires différés que garantissaient les cotisations que ce même gouvernement a supprimé.

Dans ce contexte, l’augmentation des taxes sur l’essence et sur le diesel en particulier, c’est la goûte qui fait déborder le vase !

C’est en effet le révélateur d’une inconséquence fiscale qui, si elle n’est pas arrivée de la planète Jupiter, marque une rupture avec la majorité de la population. Le seuil d’acceptation du citoyen lambda est dépassé, largement dépassé.

Il ne s’agit pas d’ignorer le défi que nous impose le réchauffement climatique à modifier en profondeur nos habitudes de consommation d’énergie. Il ne s’agit pas de refuser les adaptations salutaires que nous devons obligatoirement mettre en place pour tenir les objectifs de la COP21. Il ne s’agit pas de nier les difficultés que ces changements provoquent.

II s’agit de répartir l’effort aussi justement que possible, adapter le budget pour que l’investissement dans le renouvellement automobile, dans les travaux d’amélioration de l’habitat, dans l’investissement propre soit soutenu, aidé, réparti de façon à ce que l’on ne prenne pas au citoyen sur le budget soin, sur le budget alimentation, sur le budget de subsistance ce que l’on affecte à la fiscalité. C’est ce que l’on constate malheureusement aujourd’hui.

On aura beau tenter, ici, de récupérer une colère citoyenne qui monte, et là, de condamner cette récupération ; la colère existe. Elle est trans-parti, trans-idéologie, trans- courants. Cette colère justifiée est générale. On aurait tort de vouloir la limiter à des intérêts particuliers.

Quand le vase déborde, c’est au tour de celui qui a mis la dernière goute d’en payer le prix fort !

Julien Dray 

 

 

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