22 juillet 2020

Europe : L’essentiel est sauvé ?

Par Julien Dray 

La détermination aura eu raison des blocages ? L’Europe est préservée et la mutualisation des moyens de ce plan garantie le « faire ensemble ». L’enveloppe globale est elle aussi, si l’on se réfère aux données brutes, historique. Chacun ira de ses commentaires sur la méthode et les différents objectifs visés. Il y a en effet beaucoup à dire. Cet accord obtenu de justesse montre à quel point l’Europe doit changer profondément et vite !

Mais on ne peut commenter sans au préalable admettre l’importance des moyens mis en jeu.

Pour en arriver là, il a fallu une extraordinaire remise en question de la politique budgétaire de l’Allemagne. Madame Merkel a fait passer clairement l’intérêt européen avant la doctrine libérale de son pays. Fort de ses équilibres elle aurait pu défendre une toute autre position et s’associer, comme elle l’a fait par le passé, aux plus réfractaires de ce plan. La situation de l’Italie a sans doute marqué un tournant dans l’appréhension du pouvoir allemand sur la crise.

Par ailleurs, il est clair que l’axe Franco-Allemand, est une force dont l’Europe ne peut se passer pour la faire avancer ou, au pire, la préserver. Dans le couple, chacun, à ce sommet, a défendu un rôle différent. Emmanuel Macron, reconnaissons-le, a été utile dans l’accomplissement de ce projet. Il a certes aussi usé d’initiatives originales en jouant le chien fou, brandissant la menace et occupant le canal de la communication ; Angela Merkel a elle construit sa défense du projet à l’allemande : calme, puissante et déterminée.

C’est sur cet axe ressoudé –durablement ?- du couple franco-allemand que l’Europe peut et doit se permettre de constituer un noyau dur intègre. C’est à partir de cet axe qu’une harmonisation sociale pourrait être envisagée.

Le premier bénéficiaire de cet accord, c’est donc l’union Européenne.

Et si le mot « Historique » peut être employé tant pour l’énormité de la somme et pour la mutualisation de la dette que pour la durée de cette rencontre, en sera-t-il de même pour la mise en place concrète des plans de relances respectifs dans les 27 pays de l’union ? La question reste entière.

On n’a pas vraiment entendu que l’on placerait l’aspect social comme une priorité. Ce n’est pas encore un mot à la mode comme « climat », « transition écologique » ou encore « entreprise ». Quand aux mots « éducation » et « culture » …

C’est donc dans la répartition effective des fonds et leur destination que l’on pourra juger de ce que l’on veut sauver et comment : l’humain ou le business d’abord, fut-il vert ?

Si l’on en croit les compromis –trop nombreux ?- obtenus par ceux que l’on a appelé « les frugaux », les plans d’austérité devraient accompagnés les plans de relance. Ce n’est pas exactement le tournant que la population Européenne attend ; en particulier dans notre pays.

La France obtiendrait quarante milliards de prêts remboursables. Les italiens cent cinquante milliards… Le fait nouveau du plan de relance, c’est que la dette aussi est mutualisée. Ce n’est donc pas sur quarante milliards qu’il faut calculer la part de la dette française mais sur trois cent soixante milliards de prêt consenti pour l’ensemble du continent. C’est cent dix milliards de plus que ce qui était prévu. Et cent dix milliards de moins de subventions aux pays les plus fragiles. Il fallait un accord qui montrerait l’image d’une Europe généreuse en subvention. Il fallait donc que la part des subventions soit plus importante que celle obtenue par des prêts. Ce fut dur, mais ce fut fait…de peu.

Il reste, derrière les sourires enjoués des bénis de la crèche, un certain nombre de questions dont certaines sont inquiétantes. Mais bon, on a sauvé l’essentiel se disent-ils. Cela suffira-t-il à retrouver la confiance ?

Les « frugaux » étaient en partie constitués de sociaux démocrates et même d’écologistes. Comment cette gauche là peut-elle s’opposer au green deal ?

La gauche Européenne doit retrouver un sens commun très vite.

C’est même à elle de se mobiliser, de retrouver ses fondamentaux et l’intérêt collectif surtout ! de se reconstruire pour redevenir centrale dans le paysage politique européen.

C’est à elle de trouver les moyens de réconcilier les citoyens entre eux, de se réconcilier avec elle-même pour que plus jamais on aborde un sommet en se disant : « ça passe ou ça casse ». Sinon, la prochaine fois pourrait être la dernière !

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