Par Julien Dray
On croyait ne plus pouvoir arrêter la marche du nouveau monde. On croyait que les broyeurs mondialisés allaient pouvoir inexorablement continuer à prendre possession de toutes les richesses aux quatre coins de la planète en exploitant l’humain qui s’y trouvait. On croyait le modèle ultra-ordo-libéral indestructible, en béton armé de bénéfices, aux vitres pare balles sociales, libre d’acheter tout, même les états. On croyait aux ressources inépuisables de ces maitres du monde pour garder leur pouvoir et continuer le business… ça, c’était avant, normalement, à moins que l’on ignore les tornades, les tempêtes, les tsunamis, les épidémies, leurs conséquences sur l’homme et son environnement.
A la faveur d’un virus planétaire, on s’est tout de même posé la question. On a froncé les sourcils ici et là en se disant : « et si nous nous trompions ? ». Un réflexe de survie passager ? une petite voix du fond de la conscience que le silence avait permis d’entendre au milieu du chant des oiseaux ? Tout s’était brusquement arrêté. Seuls les invisibles se révélaient dans leur utilité à nous permettre de respirer, s’alimenter, se soigner. Tout était réduit à l’intérieur, à l’introspection, au retour sur soi. Un virus était parvenu à confiner le monde, dans un « chez soi » limité à quatre murs pour celles et ceux qui en avaient. Aura-t-on profité de ce moment propice à la réflexion pour évaluer, changer, anticiper ? Ou bien aura-t-on la réaction de l’élastique tendu à qui on rend sa liberté ? On se pose encore la question.
Après ne sera plus jamais comme avant : voilà ce qui correspond au refrain du moment. Des associations baroques quelquefois, des tribunes largement signées à titre individuel, des mouvements spontanés naissent pour définir des alternatives à la politique de casse réelle du modèle social développée depuis le début du quinquennat. Et dans le même temps, dans la rue, on croise des gens heureux et insouciants de retrouver leur liberté. Comme au sortir d’une guerre, on pense que la liberté n’a pas de prix. Ainsi il y a donc d’un côté ceux qui voient, à raison, une opportunité à changer et de l’autre une grande partie de la population surtout soucieuse de retrouver dans « l’après » leur « avant ».
Or les uns ont besoin des autres et réciproquement ! Il y a donc un temps qu’il faut mettre à profit politiquement. Ne pas se précipiter. Ce serait prendre le risque de n’être ni entendu ni suivi de personne.
On sait que demain, la crise économique succédera à la crise sanitaire. Si l’on en croit les premiers chiffres, elle sera inédite dans son ampleur. Ce sont les jeunes et les plus précaires qui en seront les premières victimes. On sait que seul l’Etat, à travers un modèle encore existant, peut et doit mettre en œuvre une politique réellement sociale. Pour se faire, Emmanuel Macron et son gouvernement devront nécessairement se dédire sur certaines de leurs décisions, sur la réforme de l’assurance chômage, sur la réforme des retraites, sur le code du travail. Pour se faire, on devra aussi ne pas se tromper de cibles quand à la distribution de quelques 150 milliards d’aide aux entreprises.
L’Etat et le politique doivent donc reprendre la main. Le pouvoir actuel en premier lieu. Redonner du sens à l’action politique en se concentrant uniquement sur l’intérêt collectif, l’équilibre de la nation, la dignité de l’humain. Mais pendant que dehors on profite un peu de l’air pur les lobbies, eux, frappent à la porte. La pression sera forte !
Cherchera-t-on d’abord à garder le pouvoir ? à préserver les privilèges ? ou bien passera-t-on du « j’ai changé » déjà entendu en d’autres temps à une réelle prise de conscience sociale de l’Atlas ? Il peut aussi sortir un papillon de la chrysalide qui n’est pour vie que l’éphémère.
Il y avait, il y aura. Mais y-a-t-il un « il y a » ? A gauche on peut encore en douter même si petit à petit des choses semblent avancer vers la nécessité d’un rassemblement. Celui des idées devra être au moins aussi important que celui des hommes.
C’est aujourd’hui, dans ce temps de vide improbable, d’instabilité politique, que peut se construire un mouvement social de progrès, de projets, d’avenir. La seule alternative est là, à gauche. Ne tardons pas à la faire sortir de terre !
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