27 mars 2019

L’injustifiable privatisation d’ADP

Par Julien Dray


27 députés LREM (sur 45 députés présents) ont donc voté à l’aube, samedi 23 mars 2019, la loi PACTE. Ce faisant, ils ont acté, sur recommandation du Château, la privatisation d’ADP (Aéroports de Paris).

La méthode consistant à mettre au vote des textes aussi importants entre 2 et 4 heures du matin semble être la marque de fabrique de ce gouvernement. Outre qu’elle donne une image détestable du Parlement auprès de la population, elle confirme le jusqu’au boutisme du Président monarque.

Pourtant, quelque soit l’angle par lequel on aborde le sujet, cette décision, très lourde de conséquences, ne peut se justifier autrement que par une volonté de privilégier des intérêts privés.

ADP, ce n’est pas seulement trois lettres pour définir vaguement la gestion de bâtiments et de pistes permettant l’arrivée et le départ des avions :

– C’est la plus importante structure aéroportuaire du monde

– Des acquisition de participations dans le capital de nombreux aéroports internationaux

– Un certain nombre de filiales notamment dans la téléphonie

– Le premier propriétaire foncier d’Ile-de-France

– 618 millions de bénéfices (en forte hausse) en 2018

C’est 12% du portefeuille boursier des participations de l’Etat. C’est la garantie de notre souveraineté en matière de sécurité et du contrôle de frontières.

Quelles sont les raisons invoquées pour justifier la privatisation ?

La première est de créer un fond d’investissement de 250 millions par an dans les nouvelles technologies . On se passerait donc des 175 millions annuels que rapportent ADP à l’Etat -une contribution qui ne cesse d’augmenter chaque année- pour créer un fond sur une vente one shot ?

La deuxième est de réduire la dette de l’état de 10 milliards (évaluation de la vente). Rappelons que la dette française s’élève aujourd’hui à quelques 2300 milliards. Que représente cette réduction en sacrifiant un revenu constant face aux enjeux stratégiques, face au risque de perte de souveraineté ?

La troisième est qu’il ne s’agirait pas d’une vente mais d’une cession. Une cession à long terme de 70 ans. Keines disait « à long terme, nous sommes tous morts ». Les juristes eux considèrent qu’une cession dépassant 9 ans n’est pas un simple acte administratif mais une mise à disposition.

La quatrième est une rengaine bien connue : le privé gèrerait tellement mieux que l’état! Outre que jamais il n’a été fait preuve de cet argument, il semble que lorsqu’il s’agit d’infrastructures stratégiques, l’Etat, justement, peut être un excellent gestionnaire.

On dit que l’on apprend que de ses erreurs. De toute évidence, le Chef de l’Etat et son exécutif n’ont pas retenu cette leçon là. A l’instar de la privatisation des autoroutes, dont chacun connaît aujourd’hui les conséquences tant sur leur développement que sur les tarifs aux usagers, la privatisation d’ADP aura les mêmes effets mais en beaucoup plus grave.

Qui va garantir une exploitation raisonnée du foncier ? Qui va garantir de privilégier la sécurité et le contrôle des frontières par rapport à la rentabilité ? Qui va garantir la qualité des services aux usagers, les tarifs ? Certainement pas l’Etat qui regardera à deux fois avant d’intervenir dans les décisions du prochain concessionnaire. Chaque initiative de l’Etat , en effet, devra être compensée par des indemnités financières et elles risquent de coûter très cher !

27 députés LREM ont décidé sans trembler de suivre la volonté d’Emmanuel Macron. Autant dire que le Président a décidé tout seul de vendre un patrimoine stratégique que les Français ont par ailleurs financé et qui leur rapporte.

Peut-on encore parler, sur des sujets aussi importants, de démocratie représentative ?

Julien Dray

 

 

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