31 juillet 2020

« Le gauchisme anglo-saxon »

Par Gaël Brustier

Voici plus de quatre décennies, Jean-Pierre Chevènement, alors jeune dirigeant du remuant et dérangeant CERES – « aile gauche » d’un PS en ascension vers le pouvoir – désignait ses adversaires comme la « gauche américaine ». Les « rocardiens », une partie de la CFDT étaient ainsi assimilés à tort ou à raison à un dessein social-démocrate inféodé à l’atlantisme et au marché.

Aujourd’hui c’est «le gauchisme anglo-saxon » qui contribue à tuer la gauche radicale autant que la gauche social-démocrate ainsi que, ne l’omettons pas, l’écologie politique. Le « gauchisme anglo-saxon » est un mélange d’emprunts aux sciences sociales et à une partie de la pensée critique conçue outre-Atlantique et de revendications identitaires assumées et qui, comme toutes les revendications identitaires, ne vont pas sans une forte dose de reconstruction a posteriori de l’Histoire. Il est aussi un appel à la répudiation de l’universalisme des Lumières et de la République française.

La République est une œuvre humaine et donc faillible. Elle est, de fait, éternellement inachevée. Sans aucun doute, celle-ci – jadis République coloniale – n’a-t-elle pas compris suffisamment tôt que l’identité de certains de ses concitoyens se construisait aussi dans le regard de l’autre. Ces impasses ont créé une brèche dans le débat public, par laquelle les adversaires de l’universalisme se sont rués.

A l’instar de Maboula Soumahoro, « chercheuse » en science sociale gavée d’argent public- une vulgate approximative issue des campus nord-américains, surévaluée ici en France et hors de contexte puisque la Seine-Saint-Denis n’est pas l’Alabama. Des campus américains vient en effet tantôt le meilleur ou le pire, prenant parfois l’apparence d’un prurit totalitaire et portant un dessein mortifère (comme sur le campus d’Evergreen aux Etats-Unis, théâtre d’une folie sectaire gauchiste collective qui remonta jusqu’au Congrès des Etats-Unis). Souvenons-nous que les Indigènes de la République se sont saisis de manière abusive des travaux de Joseph Massad, disciple d’Edward Saïd, pour faire avancer de bien curieuses thèses homophobes. Puisant chez Massad, un questionnement relatif aux entreprises idéologiques visant à favoriser l’essor de « l’identité gay » dans les pays du Moyen-Orient, ceux-ci ont (l’effort de traduction étant sans doute trop difficile à mener) cru bon d’appliquer au hachoir les réflexions de Massad aux… banlieues françaises. Voyant en beaucoup de nos concitoyens des « colonisés », ils ont ainsi fourni une bouillie intellectuelle mortifère et dangereuses pour les LGBT de ces quartiers. Béats d’admiration devant les prouesses des tenants du gauchisme anglo-saxon, un nombre croissant de dirigeants des partis de gauche veulent « poser la question de la race » sans s’apercevoir, évidemment, que les directions de leurs propres mouvements ne ressemblent en rien à la diversité de la société française…

Les sciences sociales ne sont pas coupables. Seulement, il est aujourd’hui des usages publics des sciences sociales comme il est des usages public de l’Histoire. Une saine distanciation est de mise. Ni Stuart Hall, le maître des Cultural Studies, ni Edward Saïd, ni même Frantz Fanon et tant d’autres n’ont à être voués aux gémonies pour le triste spectacle de la pataugeoire militante de ce gauchisme anglo-saxon. Tout au contraire, si l’intelligence de la société avait vraiment – et ces penseurs avec – été vraiment diffusée, elle n’aurait pas été kidnappée par un quarteron d’énièmes couteaux de la vie militante, aussi nocifs qu’inopérants intellectuellement.

Ce « gauchisme anglo-saxon » est partiellement lié à La France Insoumise via Danièle Obono et le « trotsklste » SWP anglais auquel elle est liée, véritable môle de « l’islamo-gauchisme », marginal dans le pays mais omniprésent dans le microcosme militant des « politiciens du dimanche ». Ce « gauchisme anglo-saxon » doit impérativement disparaitre pour laisser la place à une véritable Gauche radicale de gouvernement, humaniste, républicaine , qui jusqu’à l’implosion du mélenchonisme était portée par sept millions d’électeurs.

Ce gauchisme-là fait son miel de toutes les idéologies morbides propres à la crise que nous connaissons depuis une décennie. Conspirationnisme, connivence avec l’islamisme politique (mais attaque systématique du croyant catholique), « anti-sionisme » pavlovien flirtant avec l’antisémitisme (Les cris « morts aux juifs » de la manifestation Justice pour Adame ont été volontairement minorées au lieu d’être dénoncées, ce qui allait probablement de soi pour beaucoup des manifestants présents sur la Place de la République), bizarreries « veganes » à la violence physique et totalitaire avérée, « anti-racisme » importé des campus américains et qui développe un racisme d’un nouveau genre ou des théories imposant de se « positionner » sur le plan identitaire, sans oublier le goût pour les chasses aux sorcières et les confessions publiques etc etc. Dernière extravagance, la demande faite de « confesser » ses « privilèges ».

Ce serait faire preuve d’indulgence excessive que d’oublier la manie des listes de dénonciation et de la volonté de censurer les œuvres d’art qui heurtent « le politiquement correct », comme ce fut le cas pour Exhibit B, bien accueilli à Avignon mais qui s’attira l’ire de militants violents lors de sa présentation à Saint-Denis. Cette mouvance cherche l’idéal-type de la figure de la « victime », qui donne le sésame pour se faire bourreau de l’autre à peu de frais. La victime peut prendre beaucoup de visages mais que leur importe fondamentalement le destin d’un enfant juif sur le chemin de son collège ? Soyons franc : pas grand-chose. Ce « gauchisme anglo-saxon » , par son flirt périlleux avec l’antisémitisme a parasité le combat salutaire d’un Jeremy Corbyn, qui a perdu…

En France, depuis le 10 novembre, il a montré à la gauche française la porte de sortie de l’Histoire. Dans son entrebâillement, on aperçoit le cercueil qui lui est destiné. Tout se paye un jour.

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