2 janvier 2020

Retraites : Point par point !

Par Edmond Thanel

Les questions sont nombreuses. Il semble même qu’elles soient tellement nombreuses que peu s’y retrouvent. On ne voit à travers cette réforme que ce que l’on nous en dit et comme dirait une humoriste célèbre « on ne nous dit pas tout » loin de là !

Essayons donc d’aller au delà des déclarations, qui souvent ne sont dites que pour rassurer les uns, surtout ceux qui ne seront pas concernés, et quelques autres, très peu, qui verront leur situation s’améliorer.

La retraite par point, c’est tout d’abord un changement total de système. Aujourd’hui, on valide des trimestres. C’est le nombre de trimestres qui donnent droit à la retraite. Demain, plus de validation, on comptera seulement les points. Quelle sera la valeur de ces points ? nul ne peut le dire aujourd’hui. Le flou persiste sur leur indexation. Aujourd’hui lorsqu’on a travaillé un mois, on peut valider un trimestre…qu’en sera-t-il demain ?

Quelles seraient les nouvelles règles ? encore une fois elles sont nombreuses.

Comment calcule-t-on sa retraite ? Aujourd’hui, le calcul de sa pension est réalisé sur un nombre, les 25 « meilleures » années pour le privé, les 6 derniers mois pour la fonction publique. Demain c’est l’ensemble de la carrière qui servira de base. Sans être devin, on peut déjà prévoir que cette modification ne sera pas à l’avantage du plus grand nombre. C’est en effet dans un contexte d’emploi en pleine mutation que ce changement arrive. Qui peut être certain d’avoir une carrière complète sans perte d’emploi ? sans trous dans la raquette ? personne ! sans doute même pas avant le fameux âge pivot.

Un seul régime pour remplacer tous les régimes existants ? C’était l’objectif de la réforme et la promesse de campagne du candidat Macron. Ainsi, la multitude des régimes spéciaux doivent disparaître et se fondre dans un seul système dit « universel ». Lorsqu’on sait que les critères de pénibilité ont été exclus (et que dixit le nouveau secrétaire d’état, ils ne seront pas réintroduits) du système avant même qu’il ne change, lorsqu’on que l’on constate que l’on ne prend en compte que ce qui apparaît comme un avantage sans en approfondir la pertinence… alors on comprend les refus, les rejets, les colères qui montent. Par ailleurs, cet objectif du candidat est déjà abandonné pour partie. Les policiers, les chauffeurs routiers, les gendarmes, les hôtesses de l’air, les pilotes, les stewards, garderont leur système de retraite, leur régime particulier…que l’on crée de fait pour eux. D’universel il n’y a donc plus.

Pas de retraite à moins de 1000 euros à partir de 2025 ? Ce qui pourrait faire penser à une avancée significative aurait déjà dû être mis en place avec le système actuel. Le précédent gouvernement avait même tout préparé pour qu’il en soit ainsi. Non seulement le pouvoir en place ne l’a pas fait mais il ajoute une condition non négligeable : n’y auront droit que ceux qui auront fait une carrière complète au smic.

Y’a-t-il une urgence à réformer pour cause de déficit ? C’est sur la question budgétaire que s’appuie Le président et son premier ministre pour imposer ce changement profond de notre modèle social. Il y aura de moins en moins d’actifs, il faudra travailler plus longtemps, le déficit se situerait entre 7 et 13 milliards d’euros d’ici à 2025…. Malheureusement pour le pouvoir, toutes les études montrent que le système actuel est financé et si déficit il y a, il a déjà été anticipé par un certain nombre de mesures. Le remboursement de la dette de la sécurité sociale (dont le budget est aujourd’hui bénéficiaire) sera réalisé en 2025 justement et il apportera une marge d’environ 25 milliards, largement suffisant pour combler le déficit sur les retraites pendant les 5 années où il sera déficitaire – En 2030 il repassera au vert de lui même ! – . Le COR précise même que le déficit plus ou moins important est directement lié à des décisions gouvernementales… Ce qui devrait au moins interroger.

Les carrières longues seront préservées ? si l’on s’arrête au fait que ceux qui pourront les revendiquer auront la possibilité de partir 2 ans avant les autres, c’est oui. Si l’on compare avec le système actuel c’est non. Aujourd’hui la retraite des carrières longues est garantie à taux plein à 60 ans. Demain ce sera 62 puisque l’âge pivot de 64 ans l’exigera !

Les inégalités seront-elles corrigées ? Qui peut une nouvelle fois en prendre l’engagement ? Elles risquent bien de se creuser en prenant l’ensemble de la carrière en compte. La première d’entre elle est d’ailleurs déjà inscrite dans le projet de loi. Lorsqu’on limite drastiquement le taux de cotisation pour les salaires supérieurs à 100000 euros, on crée de fait un déficit de ressources. Qui paiera ce déficit ? une augmentation des cotisations pour tous les autres ? une baisse généralisée des pensions ?

Enfin, si l’on compare notre système actuel au système par point mis en place dans d’autres pays, on constate que le modèle social actuel français, malgré ses défauts, protège bien plus que partout ailleurs.

Tant sur l’espérance de vie que sur le taux de pauvreté, la France peut s’enorgueillir d’être le champion de toute la communauté européenne et même au delà. Quand nous avons 7% de retraités pauvres, ce qui est déjà trop, c’est 17% en Suède et En Allemagne, 19% en Angleterre et plus encore aux Etats Unis.

Partout où la retraite par point a été mise en place les pensions ont baissé (en suède c’est entre 22 et 30%). Comment croire l‘ affirmation du premier ministre disant le contraire. C’est sans doute vrai pour une toute petite minorité quand c’est faux pour l’immense majorité de la population, que l’on soit dans le public ou le privé.

Il apparaît comme une évidence que ce projet a été mal conçu ; qu’il vise des objectifs uniquement financiers en s’affranchissant pour beaucoup de l’aspect social. Plus aucun syndicat ne peut aujourd’hui le soutenir. A quoi auront servis les mois passés à la concertation.

Chacun peut aujourd’hui mesurer le risque que le pouvoir prendrait à le mettre en place de façon autoritaire.

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