Par Pierre Mazzorbo
Le 25 mai prochain, le Règlement général sur la Protection des Données (RGPD) entrera en vigueur. Ce texte va fixer un nouveau cadre européen pour l’utilisation et le traitement de nos données personnelles par les entreprises.
Cette nouvelle réglementation met sur le devant de la scène une réalité de la Révolution numérique : nous sommes devenus des producteurs de données à notre insu.
Tous nos gestes de la vie quotidienne, dès lors qu’ils associent une technologie numérique, sont potentiellement producteurs de données personnelles. Nos habitudes de consommation, les sites internet que nous visitons, l’heure à laquelle nous éteignons une ampoule connectée, nos trajets, notre vitesse de lecture sur une visionneuse, la durée de nos appels, notre carnet d’adresse, nos vacances…
Peu de choses, d’événements et d’éléments de nos vies privées échappent à l’inquisition des collecteurs de données. Et cela va s’accroître de manière exponentielle dans les années qui viennent avec l’avènement de nouvelles technologies, dans le domaine de l’automobile, des enceintes connectées, de la santé…
Nous vivons dorénavant à nu, à ciel ouvert où nous ne pouvons plus rien cacher de nos vies, sauf à ne payer qu’en liquide, à ne plus téléphoner et à produire soi-même son électricité.
Le RGPD pose deux principes nouveaux : celui du consentement des sites que nous visitons et celui du droit à l’oubli.
L’espace économique, politique et humain qu’est l’Union européenne va poser une première pierre dans la jungle qu’est internet pour redonner du sens à cette ruée vers l’or digital qu’est la collecte de données.
Nous n’en sommes qu’au début.
Nous avons politiquement une mission à assumer dans cette première moitié du 21ème siècle : préserver les acquis du siècle des Lumières.
Parmi ces acquis, il y en a un fondamental : le libre-arbitre.
Le libre-arbitre, c’est ce droit qui fait de chacun d’entre nous le propriétaire de son corps, de sa vie, de sa pensée et nous autorise à la maîtriser. Le libre-arbitre, c’est la négation du servage, ce mode d’exploitation des hommes et des femmes qui a fondé toute l’économie du Moyen-Âge.
Avec l’économie de la donnée, si nous n’y prenons garde, nous allons laisser s’installer un « servage numérique ».
Les plateformes – et en particulier les GAFAM & co – vont peu à peu prendre une emprise de plus en plus forte sur nos vies, les diriger par le biais d’algorithmes qui vont orienter, guider ou imposer nos choix en matière politique, dans nos goûts de consommation, dans nos déplacements…
Google remonte dans ses requêtes, non pas les meilleures requêtes, mais celles qu’il juge les meilleures au regard de nos habitudes. Mettez 10 personnes dans une pièce et questionnez google avec une expression et faites le point sur les 10 premiers résultats de la requête. Vous serez sidérés!
Amazon vous propose des livres, en fonction de votre consommation, ruinant ce plaisir de fouiner et de humer les livres avant de choisir, comme dans une librairie.
Votre GPS vous proposera toujours en priorité le trajet qui rentabilisera les concessionnaires d’autoroute… même s’il y a un peu plus de kilomètres à parcourir.
Nous avons un saut politique à faire pour définir une nouvelle ère des Lumières à l’âge du numérique.
Avant de légiférer, nous devons comprendre et définir l’humanité que nous voulons dans cette révolution de la donnée.
Il importe de définir des droits nouveaux, bien au-delà du RGPD, comme le droit au silence numérique, la réelle propriété de nos données que nous concédons aujourd’hui gratuitement en échange d’un service ou d’une commodité d’usage, le droit au contrôle de l’usage de nos données, notamment face à l’Etat.
Il faut prendre le temps de refaire un peu de philosophie politique pour garantir des droits fondamentaux.
Il faudra le faire vite, parce que le mouvement est beaucoup plus rapide que le démarrage de la première révolution industrielle au XVIIIème siècle.
Pierre Mazzorbo
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