La mort de Nahel est un marqueur fort et visible d’un malaise qui couve dans la société française depuis la suppression de la police de proximité par Nicolas Sarkozy quand il était Ministre de l’Intérieur.
Ce décès tragique témoigne de la coupure croissante entre la Police et la population. Il pose une question politique importante : à quoi sert la Police aujourd’hui?
Elle est un symbole visible de la cohésion, de l’unité et de la pérennité de la République, au même titre que l’école ou la justice. Elle est le rempart de ceux qui sont victimes.
Or elle n’est plus cela. Elle est vécue par les Français comme une institution corrompue et gangrénée par des syndicats qui cogèrent le ministère et poussent de plus en plus vers une américanisation de l’emploi des forces.
La suppression de la police de proximité a fait basculer la police dans un emploi uniquement répressif. Dans le même temps, les syndicats de police ont envahi les ondes pour commenter le moindre fait divers à la place des autorités compétentes de l’Etat : procureur ou préfet. Les gilets jaunes ont vu aussi le maintien de l’ordre à la française disparaître au profit d’une appropriation de la police comme outil de protection des intérêts du pouvoir politique.
La stratégie de la tension a été employée comme jamais, avec la mise en avant systématique des CSI, puis des ancêtres des BRAV-M pour aller au contact des manifestants voire provoquer les incidents dans les cortèges au détriment des unités de maintien de l’ordre que sont les CRS et les Gardes mobiles. Re-belote au moment des manifestations contre les retraites où systématiquement les BRAV-M ont joué la provocation aboutissant à des recommandations de l’IGPN de suspendre certains fonctionnaires.
Chaque fois qu’un policier faillit et manque à son devoir, c’est l’ensemble de l’institution qui est salie. Cette règle de communication vaut aussi pour les institutions : on met une énergie de 1 pour descendre 10 marches, mais il faut une énergie de 10 pour en remonter 1. L’exemplarité et le respect de la loi sont des principes intangibles.
On ne peut pas vivre en République si la police fait face en permanence à la population au lieu d’être à ses côtés pour assurer sa protection.
Il est nécessaire de mettre tout le monde autour de la table pour refonder l’institution policière. Le politique doit reprendre la main sur les syndicats. Il faut repenser l’organisation. Il faut repenser l’articulation entre maintien de l’ordre, protection de la population et permanence de l’autorité de l’Etat, entre polices municipales et police nationale.
Il faut stopper rapidement cette dérive de la shériffisation de la police pour renouer avec l’ordre républicain qui suppose d’être en permanence sur le fil du rasoir pour maintenir le précaire équilibre des deux plateaux de la balance.