Par Pierre Mazzorbo
L’épidémie de Coronovirus inquiète beaucoup plus que l’épidémie de grippe saisonnière même si elle fait beaucoup moins de victimes, à ce stade. Elle renvoie à un inconscient collectif qui est solidement ancré dans nos cultures.
Les plaies d’Egypte, avec cette épidémie de bubons qui affleurent sur la peau des Egyptiens. Les grandes épidémies de peste au Moyen-Age qui ont ravagé les grandes cités prospèrent. En est resté ce masque de la comedia del Arte, du dottore della peste, le docteur de la peste, avec son long bec d’oiseau courbé que les médecins bourraient d’épices et d’herbes pour éviter d’être touché par le virus mortel. Une sorte de masque médical avant l’heure.
Le coronavirus renvoie à la même peur primale: celle de la maladie incontrôlable qui frappe de manière aléatoire sans que le remède soit clair et efficace.
Au-delà de cet aspect sociologique, l’épidémie est un reflet terrible de nos sociétés. On voit de suite quel pays a un système de santé efficace et quel pays se met en danger à cause de son organisation sanitaire. La peur qui envahit les Etats-Unis d’Amérique est très intéressante à analyser. Le test y est payant. Le système de santé américain repose sur l’assurance privée. Il y a ceux qui sont assurés dont les soins seront pris en charge et les autres, qui sont face à un choix crucial : payer ou risquer. Cette absence de système de solidarité élémentaire met en péril toute la société américaine. Ne pas pouvoir se soigner, c’est multiplier les agents pathogènes et la prolifération non contrôlée du virus.
Le coronavirus repose la question de l’organisation des Etats, de la puissance publique et du contrôle de certaines politiques par celles-ci dans un monde où tout devenait à déréguler et à marchandiser. En France, il a fallu que l’Etat réquisitionne les masques médicaux et régule le prix des solutions hydro-alcooliques pour éviter la spéculation sur les prix.
Aux Etats-Unis, l’Etat fédéral n’a pas d’autre solution que d’implorer la clémence des assureurs…
Cette crise sanitaire, à laquelle la Turquie ajoute la crise migratoire, est aussi un test pour l’Europe.
Il n’y a pas de frontières qui tiennent avec un virus qui se propage aussi vite. Les échanges quotidiens entre tous les points du monde accentuent la propagation du virus. Nous sommes nous-mêmes les agents de diffusion du virus et de la maladie.
Que doit-on tirer comme leçons de tout cela?
En premier lieu, il faut anticiper et renforcer les programmes de santé publique. Il faut arrêter cette politique drastique qui consiste à penser qu’un hôpital devient rentable lorsque l’on ferme des lits.
Tous les Etats ont eu le réflexe de rapatrier leurs ressortissants de Chine, au lieu d’organiser leur confinement, comme si le virus sélectionnait les nationalités. Nous sommes interdépendants. L’arrêt de la propagation du virus dans un pays ne signifie pas son extinction définitive. Il peut aller et revenir. La coopération internationale est plus que jamais nécessaire, sous l’égide de l’OMS.
Cette crise nous indique aussi que beaucoup de choses sont superflues dans notre économie. Le tourisme débridé est porteur de pollution, d’accélération de la propagation des maladies.
Vertu du vice, la pollution atmosphérique a baissé de manière extraordinaire dans les pays qui ont organisé un confinement pendant 14 jours.
En France, nous savons déjà que des PME et des entreprises sont en souffrance et vont mettre la clef sous la porte. On s’en prend à l’Etat, on s’en prend à la maladie, sans remettre en cause un modèle économique qui portait en germe sa destruction et sa propre fin. Choisir de produire en mono-fournisseur en Chine parce que c’est l’usine du monde, moins cher et plus rentable, c’est se placer en situation d’hyper-dépendance. Nous devons questionner et réinventer nos modes de production en tenant compte de la pluralité des fournisseurs de composants.
Le coronavirus nous rappelle à nous-mêmes que social, économie et écologie sont intimement liés.
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