5 juillet 2024

La route non empruntée ou « qu’est-ce qu’on fait maintenant » ?

Nous sommes le 9 juin 2024 à 20h30. La France est choquée par les résultats de l’extrême droite aux élections européennes. Pour la majorité présidentielle, la défaite est claire : leur liste a obtenu seulement 14,60% des voix et donc 13 sièges au Parlement européen, tandis que l’extrême droite a obtenu 31,37% des voix et 30 sièges au Parlement européen. La déception du camp présidentiel est palpable. Et leur soirée est à peine commencée. Car pour la première fois depuis 1997, à 21h, le président de la République commet un suicide électoral en dissolvant l’Assemblée nationale. La France a peur que cette dissolution irresponsable de Macron constitue une voie royale pour l’extrême droite, qui accèderait enfin au pouvoir en France.

Contre toute attente, à 21h30, Raphaël Glucksmann prend la parole : « Face à l’urgence du moment, je m’engage dans l’élection législative, sur la base de mon programme pour les élections européennes. Mon objectif était d’être député européen, vous connaissez mes luttes pour l’Ukraine et pour les Ouïgours, mais face à une possible victoire de l’extrême droite, la France a besoin d’un candidat crédible, avec un projet sérieux et solidaire. J’entends le cri de souffrance des électeurs de l’extrême droite et de l’extrême gauche, et je m’engage dans cette élection pour vous dire que vous pouvez me faire confiance. Si vous me donnez une majorité à l’Assemblée nationale, je serai le Premier ministre de tout le monde. Nous allons améliorer la qualité de vie en France. Ce ne sera pas rapide, mais chaque année, vous verrez votre vie s’améliorer. » Et la France souffle de nouveau, un vent d’espoir se lève, un nouveau chemin est possible.

Certains partis de gauche se rallient à Glucksmann, d’autres non. La France insoumise ne le fait pas. Il reste que, dans leur ensemble, les électeurs de gauche, même ceux qui préfèrent La France insoumise, votent au premier tour pour des candidats de de la liste de Glucksmann, simplement pour éviter la victoire de l’extrême droite. La logique du vote utile a été suivie plus que jamais.

Certains électeurs de Macron ont également voté pour Glucksmann. Certains l’ont fait parce qu’ils étaient toujours des sociaux-démocrates, d’autres parce que Glucksmann ne fait pas peur et, dans cette élection, il est le seul rempart contre l’extrême droite et l’extrême gauche. Même certains électeurs de l’extrême droite se tournent vers lui. Glucksmann est rassurant, il est fiable, il est connu. Déçus par tant d’élections, beaucoup croient que Raphaël va améliorer leur vie. Pourquoi voter pour Bardella, un jeune homme de 28 ans sans aucune expérience, plutôt que pour Glucksmann ? Même ceux qui ne sont pas d’accord avec lui sur tout lui font confiance.

Voilà ce qui aurait pu se passer. Cette route non empruntée aurait pu donner à la France une majorité absolue sociale-démocrate à l’Assemblée nationale. Nous ne le saurons jamais. Les uchronies sont pleines de chemins non empruntés.

Le Parti socialiste et Place publique ont, pendant les trois mois de campagne pour les élections européennes, répété qu’il était impossible de faire liste commune avec La France insoumise. Cependant, en trois heures, ils ont conclu un accord avec elle. Pour la très grande majorité des Français, c’était incompréhensible.

Pourquoi le PS a-t-il alors choisi de s’allier à l’extrême gauche ? Ce choix ne permet pas de gagner l’élection, mais il garantit la réélection de la majorité des députés sortants et la victoire dans quelques circonscriptions supplémentaires. Il n’est pas nécessaire d’en dire davantage. Le choix audacieux d’avoir une liste indépendante à ces élections, avec un projet qui enthousiasme les Français, avec un candidat pour le poste de Premier ministre, Raphaël Glucksmann, a trop effrayé les dirigeants actuels du Parti socialiste. Sans le soutien du Parti socialiste, Raphaël Glucksmann n’a pas osé franchir le Rubicon et mener une liste sociale-démocrate indépendante.

Il aurait pu s’imposer à l’appareil du Parti socialiste, mais il ne l’a pas fait. Pour sa défense, s’opposer seul à tous les autres partis de gauche, refuser une union de tous les partis de gauche, est une décision extrêmement difficile. C’était pourtant le choix judicieux à faire, et c’est à nous de vivre avec les conséquences de ce chemin non emprunté.

Que faire maintenant ?

Depuis la radicalisation de La France insoumise, la règle qui s’impose à chaque amoureux de la République, à chaque amoureux de la démocratie française, est claire : ni fanatique de gauche ni fanatique de droite. Mais que signifie cela exactement ? D’abord, qu’il faut éviter à tout prix une majorité de l’extrême droite ou une majorité dominée par l’extrême gauche. Deuxièmement, et sous condition du respect du premier objectif, il faut réduire au maximum le nombre de députés RN et LFI.

Aujourd’hui, à cause du choix d’alliance de la gauche sérieuse avec la gauche fanatique, une victoire de la gauche n’est plus possible. L’extrême gauche au pouvoir a donc été évitée. Une majorité absolue de l’extrême droite est encore possible et doit être empêchée à tout prix.

L’extrême droite est restée ce qu’elle a toujours été : raciste, homophobe et dangereuse. Il n’y a pas de secret, il faut systématiquement voter pour le candidat qui se présente contre l’extrême droite, idéalement pour un candidat de gauche sérieux. Si cependant, face à l’extrême droite, c’est le candidat du centre ou de droite qui est le mieux positionné pour faire barrage au candidat d’extrême droite, la survie de la République et le principe du front républicain s’imposent.

Pour contrer l’extrême gauche, qui sous la férule de Mélenchon n’est plus de gauche, juste extrême, juste dangereuse, il faut faire le même choix et voter contre ces candidats. Notre principe de base, « ni extrême droite ni extrême gauche », impose ici de faire exactement comme avec l’extrême droite. Dans la mesure du possible, il faut voter pour un candidat de gauche sérieux, et sinon, voter pour un candidat républicain, même s’il est du centre ou de droite. Il y a des candidats à La France insoumise qui sont moins compromis que d’autres, cependant, le fait même qu’ils soient restés dans un parti aussi radicalisé les délégitime.

Il reste une question, la pire question autour de laquelle toutes les discussions tournent. Vous la connaissez : pour qui voter si, dans votre circonscription, il y a un candidat de LFI face à un candidat de l’extrême droite ?  Car en élection malheureusement, il faut bien choisir, même entre la peste et le choléra.

Il faut revenir à la signification de la phrase « ni extrême droite ni extrême gauche », d’abord éviter une majorité de l’un ou de l’autre, mais également réduire au maximum le nombre de leurs députés. Une majorité de gauche dominée par l’extrême gauche n’est plus possible à la suite des résultats du premier tour. La seule possibilité dangereuse qui existe encore est une majorité absolue de l’extrême droite.

Notre démarche dans ce cas est sans ambiguïté : uniquement dans le cas des duels entre un candidat d’extrême droite et un candidat d’extrême gauche, il faut voter pour l’extrême gauche pour éviter une majorité de l’extrême droite. Aucune phrase ne m’a été plus difficile à écrire. Voici notre ligne de crête idéologique, voici notre choix aujourd’hui entre la peste et le choléra.

Un résultat positif est encore possible

Nous avons déjà réussi à écarter le risque d’un gouvernement dominé par LFI. Il nous faut écarter le risque d’un gouvernement RN. Ensuite, une autre route s’ouvrira. Une route vers autre chose.

Cette autre chose en France est une demi-cohabitation, c’est-à-dire un gouvernement de coalition négocié par la gauche sérieuse, sociale-démocrate, avec l’ancienne majorité gouvernementale. Les députés du camp présidentiel, après leur défaite historique, seront obligés d’accepter un accord de gouvernement social-démocrate, surtout qu’aucune autre dissolution n’est possible pendant l’année prochaine. Cet accord doit être durement négocié, car pour éviter la menace de l’extrême gauche et de l’extrême droite dans deux ans, il faut améliorer la vie des Français.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *