18 juillet 2019

Notre République à l’épreuve de la séparation des pouvoirs

Par Marianne de Chambrun

Quand le gouvernement devient autoritaire

Depuis le début du mouvement des Gilets jaunes en novembre dernier, des vidéos et témoignages se sont multipliés pour dénoncer les violences policières commises lors des manifestations. Si la police détient le monopole de la violence légitime, celle-ci est très strictement encadrée pour éviter toute dérive et permettre son acceptation par le peuple. Cependant, ces derniers mois force est de constater que les écarts des forces de l’ordre vis-à-vis des limites et des règles qui leur sont fixées ont été nombreux.

Une réalité connue de tous

Ces dérives violentes et autoritaires des forces de l’ordre ont été mise au grand jour et partagées grâce aux nouveaux outils de télécommunication et aux réseaux sociaux. Aujourd’hui les manifestants défilent portable à la main, caméra allumée pour se protéger des exactions de notre police et avoir les preuves nécessaires à leur défense s’ils devaient en être victimes. Les preuves s’accumulent et malgré le déni du gouvernement peu sont ceux qui restent dupes. Le gouvernement a fait délibérément un usage démesuré de la force pour mater un mouvement social et diffuser la peur au sein de la population.

Une justice prompte à punir les manifestants violents

Si la répression policière est hors norme, le mouvement des Gilets jaunes fait face à une extrême sévérité de la part des magistrats. Le nombre de garde à vue sur la période est simplement effarant, on en compte aujourd’hui plus de 8 000. Si la grande majorité se solde par des relaxes faute de preuve, les comparutions immédiates, que l’on sait très défavorables aux personnes présumées coupables, ont été nombreuses et les jugements qui ont suivis d’une grande sévérité. On se souvient de l’arrestation et du jugement du dit « boxeur » Christophe Dettinger avec à la clef une lourde peine de 30 mois de prison dont 12 fermes, pour une personne au casier judiciaire vierge qui s’était rendue d’elle-même la police. Nous ne pourrions que nous féliciter d’un système judiciaire qui a à cœur de se montrer intransigeant vis-à-vis de qui ne respecte pas les lois si nous avions la certitude qu’il se montrera aussi sévère vis-à-vis des contrevenants au sein des forces de l’ordre. Or là est bien l’enjeu des prochaines semaines.

Si l’on souhaite que nos institutions ne sortent pas salies de ce mouvement sans précédent, il faut qu’elles se montrent à la hauteur de la situation. Il faut que la justice sache jouer pleinement son rôle de contrepouvoir en étant impartiale et clairement indépendante vis-à-vis du pouvoir exécutif
.
Montesquieu, l’esprit des lois « Pour qu’on ne puisse pas abuser du pouvoir, il faut que, par la disposition des choses, le pouvoir arrête le pouvoir ».

C’est pour nous préserver contre les dérives autoritaires que dans notre République, le pouvoir est divisé, réparti entre plusieurs groupes. La séparation claire et non poreuse de ces trois pouvoirs est la clé du bon fonctionnement de nos institutions et de la confiance que nous pouvons leur porter.

Or, si les manifestants ont été rapidement arrêtés et punis, nous n’avons toujours pas aujourd’hui vu de forces de l’ordre punies pour leur exaction et ce malgré des preuves accablantes connues de tous. Une explication à cela ? On nous parle de la lenteur des enquêtes IGPN contre des flagrants délits côté manifestants.

Aujourd’hui on dénombre au moins de 265 enquêtes ouvertes à l’IGPN. Ces enquêtes s’avèrent extrêmement longues étant donné les faibles effectifs de la police des polices pour les traiter. Le gouvernement, face à cette situation exceptionnelle, ne semble pas avoir de velléités particulières à aider l’administration dans le traitement de ses enquêtes… « Le temps de l’émotion n’est pas le temps de la justice et le temps de l’émotion n’est pas le temps administratif », indiquait un syndicat de police… enfin tout dépend le camp où l’on se trouve. Selon que vous serez Gilets Jaunes ou force de l’ordre les jugements des cours se rendront de suite ou dans longtemps.

Pire encore, il semble que, pour se protéger, la police soit prête à ralentir les procédures entamées par les manifestants ou les rendre caduques. On pense à Maria, cette jeune femme de 19 dont le crane a été endommagé par plusieurs coups de matraque, dont la plainte n’avait pas été prise en compte au moment de son dépôt car le commissariat lui avait dit que la saisie de l’IGPN était une démarche suffisante. En avril dernier et ce malgré la saisine, Maria n’avait toujours pas été auditionnée, l’enquête était au point mort.

Après de long mois, 105 enquêtes ont enfin été terminées et ont été renvoyées aux différents parquets pour analyse. Nous testerons alors la solidité de notre République. Face à des preuves accablantes contre les forces de l’ordre, l’impartialité de la justice et sa capacité à punir justement dans les deux camps, seules pourront nous rassurer sur la santé de nos institutions. Si à la suite de l’analyse de ces quelques cas, déjà si peu nombreux à la vue du nombre d’exactions commises et connues, le doute plane sur la justesse de leur traitement, alors à la fracture qui s’est créé entre les citoyens et la police, il faudra en ajouter une nouvelle entre les citoyens et leur justice. Cette méfiance qui grandit vis-à-vis du bon fonctionnement de notre République est le terreau fertile sur lequel se développe les extrêmes.

Mesdames et messieurs les magistrats, vous avez dans vos mains la crédibilité de nos institutions

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