Le vote du Budget conditionne le fonctionnement de l’Etat pour l’année à venir. Il n‘est pas seulement le vote d’un financement mais celui d’une philosophie, d’une politique, d’une orientation. On connait celle d’Emmanuel Macron. On savait qu’il ne tiendrait aucun compte des élections législatives qui ont suivi la sienne. On imaginait bien qu’il tenterait de convaincre une partie des député(e)s LR puisque le peu de réformes annoncées pendant sa campagne penchaient très significativement à droite.
Pourtant il n’a convaincu personne. Ni lui ni sa première ministre, ni les deux ministres chargés de présenter ce budget. Ni la Gauche, ni la Droite ne pouvaient l’accepter pour des raisons parfois opposées. Le « en même temps » a ainsi tourné à l’avantage du rejet de tous les opposants au président.
Et pour cause, dans les intentions politiques, que ce budget impose et qui passeront donc sans vote, il en est de très dangereuses. Nous ne ferons pas ici le détail de l’ensemble mais prenons un exemple particulièrement préoccupant :
Il est prévu, dans le Projet de loi de financement de la Sécurité Sociale (PLFSS) de transférer le recouvrement des cotisations AGIRC ARRCO vers les URSSAF (en 2024). Il ne s’agit pas de quelques clopinettes mais de la totalité des retraites complémentaires des français. C’est, d’une part, un budget énorme et stratégique mais c’est aussi, d’autre part, un outil potentiel, lorsqu’on a en a la maîtrise, d’agir sur les montants et leurs évolutions. Cette mesure n’est donc pas anodine. Sous couvert de simplification pour les entreprises, il s’agit, ni plus ni moins, d’une captation de l’ensemble des retraites complémentaires par l’Etat. Les syndicats, présents et actifs dans les conseils d’administration de l’AGIRC ARRCO, ont dénoncé fortement cette proposition du Gouvernement. La vice-présidente Brigitte Pisa (CFDT) a même parlé de vol des retraites des français.
La réforme des retraites serait déjà, si elle passe, un recul significatif pour nombre de français. Elle se traduirait pour beaucoup par une retraite tronquée. Certains parmi les plus démunis ne seraient même pas certains de pouvoir en profiter au regard de leur espérance de vie.
Si on associe la prochaine réforme des retraites à ce projet de transfert du recouvrement des cotisation AGIRC ARRCO aux URSSAF, c’est bien une baisse généralisée des pensions qui, à terme, se profile. Les décisions seraient concentrées dans une seule main : celle de l’exécutif guidé par la volonté présidentielle. Comment accepter une telle concentration de pouvoir ?
On touche là aux fondamentaux de notre système. Ce serait la fin de la cogestion Etat/ Partenaires sociaux sur les retraites : Le rêve d’un certain nombre de technocrates depuis sa mise en place ! Bercy, à travers sa participation dans les URSSAF, prendrait plus ou moins la tutelle de l’ensemble du système et éliminerait, de fait, l’action des partenaires sociaux en shuntant le processus de consultation et de gestion. Une question de principe qui viderait définitivement de son sens la notion de salaires différés basés sur la solidarité. C’est peu ou proue ce que proposait le plan Juppé de 1995. A l’époque il avait échoué.
A travers ce simple exemple, on comprend que le passage en force sur le budget peut avoir des conséquences importantes voire dramatiques pour l’ensemble de la population. Il s’agit bien d’un virage idéologique, d’un changement général de doctrine que l’on veut imposer aux français. Cela ne peut donc pas se conclure par une mise au pas de la représentation nationale.
Il s’agit bien d’un Hold-Up sur les retraites complémentaires. Ce n’est pas inacceptable. On peut d’ailleurs se demander si, avec l’usage répété de ce fameux 49.3 sur les budgets, il ne s’agit pas simplement d’un Hold-Up global sur les finances publiques !