La période qui vient sera sans aucun doute déterminante. La nouvelle responsable de la CGT, Sophie Binet, qui bénéficie d’un bon a priori, a confirmé son attachement d’une part au lien qui unit l’intersyndicale et d’autre part au maintien de la lutte pour le retrait de la réforme des retraites. Si le pouvoir comptait sur une fracture entre les partenaires sociaux due à ce changement de dirigeant, il s’est une nouvelle fois trompé.
L’ensemble des partis et mouvements politique de gauche ont, de leur côté et d’un seul homme, renoncer à court-circuiter l’action syndicale en refusant le baiser de la veuve que propose la Première ministre. Ce rendez-vous n’a en effet qu’un objectif : détourner l’attention, noyer le poisson, entraîner l’opposition sur des sujets qui au demeurant paraissent plus consensuels. La politique de la chaise vide est toutefois rarement une bonne idée : gageons que, cette fois, elle soit bénéfique à la lutte.
Ainsi, place est laissée à ceux qui, depuis des mois maintenant, organisent de façon magistrale, avec les travailleurs de ce pays depuis le début – et aujourd’hui aussi avec la jeunesse – une riposte aussi massive que pacifique. Le rejet de cette réforme est toujours aussi majoritaire dans la population. La mobilisation d’ensemble reste une des plus importantes, sinon la plus importante, des dix dernières années. Le pouvoir espérait lassitude, fatigue et résignation mais rien de tout cela ne semble venir malgré l’obstination du président à vouloir gagner du temps, malgré l’addition des heures de grèves qui pèsent de plus en plus lourdement dans les dépenses du mois.
Il ne lui reste que l’espoir de voir les manifestations dégénérer en violence, de voir la détermination se transformer en chaos. C’est aujourd’hui le piège le plus dangereux et un défi tant pour les organisateurs que pour les manifestants.
Aussi, il faudra, après le jeudi qui vient, onzième jour de manifestations dans toute la France que nous espérons massif et que nous soutenons, trouver un moyen d’action qui permette, d’une part de soulager ceux qui portent le combat, et d’autre part d’élargir encore plus massivement la mobilisation. On le sait, on le voit, on le constate : beaucoup sont déjà des primo-manifestants et beaucoup d’autres aimeraient pouvoir participer, soit qu’ils ne peuvent se permettre de faire grève, soit qu’ils craignent les débordements, les affrontements, la répression.
Enfin, nous le savons, si l’organisation d’un événement à Paris un dimanche peut prendre du temps et requiert une synergie de toutes les forces en présence, elle permet, à peu de frais pour les présents, de concentrer en un seul endroit une diversité de profils : salariés mais aussi chômeurs, précaires, jeunes, retraités, urbains, ruraux, femmes, hommes, enfants, familles….
La force « tranquille » d’un tel rassemblement de deux à trois millions de participants ferait sans doute réfléchir ceux qui souhaiteraient en profiter pour détourner la population du seul objectif commun à toutes et tous : le retrait d’une réforme injuste et injustifiée dans sa forme et sur le fond ; une réforme qui ne ferait qu’appauvrir notre système social de répartitions des retraites ; une réforme dont les femmes seraient au surplus les premières victimes.
La raison est bien du côté de ceux qui rejettent ce projet. L’obstination, les mauvaises intentions, l’orgueil, les désinformations sont bien du côté de ceux qui le défendent.
Nous pouvons gagner, Nous devons gagner parce que le cause est juste ! Elle l’est au présent et au futur pour nos propres enfants. S’il advenait que le pouvoir passe en force, on ne voit pas comment il pourrait s’en remettre. L’impuissance à agir durablement le guetterait. Pourtant, il y a bien d’autres sujets à aborder urgemment : la raréfaction des matières premières, l’eau, le réchauffement climatique, la santé, l’éducation, la justice, la sécurité…
Oui, Monsieur le président, il est temps de passer à autre chose. Il ne tient qu’à vous de le comprendre et de retirer votre inique projet. C’est dans le retrait que vous pourriez tirer de la force pour la suite et certainement pas dans le cas contraire !