Par Julien Dray
Tout le monde a vu les images des camions russes (les anciens diront « soviétique ») débarquant par avion en Italie pour venir prêter main forte dans l’épreuve que le pays affronte. Loin d’être anodin diplomatiquement sur un plus long terme, il est de surcroît symboliquement extrêmement important et significative.
Le Général de Gaulle, de là où il est, a dû sourire en voyant son songe d’une Europe « de l’Atlantique à l’Oural » trouver là une esquisse de concrétisation.
Pendant quinze jours, à compter du début de l’épidémie, l’Italie s’est retrouvée bien seule. Ce pays dont l’ensemble de la classe politique, d’un bout à l’autre de son spectre politique, a adhéré corps et âme au projet d’intégration européenne a constaté avec une surprise mêlée d’effroi que l’Union européenne et ses membres n’entendaient nullement contribuer matériellement à enrayer sur place ce premier gros foyer de l’épidémie sur notre continent. En colère Giuseppe Conte, chef du gouvernement (PD/M5S), a parlé de la « mort de l’Europe ». Comble de la situation : des dizaines de milliers de masques destinées à l’Italie sont restés en République tchèque, arraisonnés lors d’une escale. La solidarité règne…
Disons-le franchement, si on faisait un sondage aujourd’hui, il y a fort à parier que nombre de peuples, convaincus au fil des années que « l’union fait la force », prendraient, à la vue de ce triste et sinistre spectacle, la poudre d’escampette.
Les choses sont désormais simples, d’une simplicité on ne peut plus limpide, soit l’Europe s’engage sur la voie du sursaut, soit ce sera son écroulement. L’égoïsme des uns par rapport aux autres ne cesse de prospérer alors qu’on pouvait penser ou espérer qu’une crise pareille resserrerait les liens entre des nations qui avaient fait un véritable effort de rapprochement.
Du côté des gouvernants Allemands, la ligne est intangible : oui à l’Europe tant que cela ne nous pose pas de problème et nous rapportent . Ces derniers temps Berlin a opposé à la solidarité européenne le fameux MES qui conditionne l aide de l’Europe aux privatisations, réformes structurelles et à une austérité budgétaire toujours plus forte.
Parlez en aux Grecs et vous verrez de quoi il retourne. D’ailleurs le Ministre des Finances allemand a déclaré qu’après la crise tout redeviendrait comme avant et que l’austérité serait la même. Ces derniers jours l’Allemagne a réaffirmé son refus des eurobonds qui était la manière de mutualiser les dettes des pays européens et la condition d’un gigantesque plan d’investissement.
La France est comme toujours au milieu du gué, ne parvenant à prendre la tête d’un grand projet européen, elle cherche à concilier deux conceptions que cette crise rend davantage encore incompatible. Elle cherche à s’attirer les bonnes grâces de Berlin.
A quoi sert cette Europe ? A quoi sert cette Europe devenue immense mais qui a cessé d’être grande dans ces jours terrible? Vienne, Berlin, Amsterdam forment un trio solidaire qui considère que le « club Méditerranée » (l’Europe du Sud) doit obéir. C’est donc la question de confiance qu’il faut poser :
qui est prêt à assumer le projet d’une Europe vraiment collective et volontaire ?
Cette question doit trrouver pour réponse un oui ou un non. Portugal, Espagne, Italie et Grèce pourraient être tentés de nous répondre oui. Si nos partenaires allemands, néerlandais et autrichiens (ces derniers aspirant à une domination de l’axe danubien) pourraient penser un temps se débarrasser des mauvais élèves ils se mettraient rapidement dans les mains de Monsieur Poutine.
Le temps du choix est là et le courage pour les responsables politiques français est d’assumer cette amicale confrontation .
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