Par Julien Dray
A ce stade, on ne peut plus douter. Joe Biden sera le prochain président des Etats Unis. Dans la plupart des démocraties du monde entier, on exprime un « OUF » de soulagement. Cette élection américaine aura monopolisé beaucoup de notre temps, parfois un peu trop.
L’emballement de la Gauche en général et de la Gauche Française en particulier pour le candidat démocrate est symptomatique d’une frénésie anti-Trump qui ne dit pas son nom. Si on pouvait souhaiter la défaite de Trump, fallait-il soutenir inconditionnellement Joe Biden ? était-il besoin d’aller jusqu’à en faire un « François Mitterrand » à l’américaine ? Lorsque l’on connait le positionnement idéologique du candidat démocrate, c’est assez étonnant !
En tout état de cause, ce que l’on nous annonçait comme « plié » d’avance a cependant confirmé la fragilité des sondages divers et variés. On a l’impression que le monde des élites espérait tellement la défaite de Donald Trump, qu’il a anticipé une trop large victoire de son opposant. Ce n’a pas été le cas.
Le nombre d’électeurs, la dispersion des votes communautaires autrefois acquis à un camp, la forte mobilisation du vote populaire n’avait pas, loin s’en faut, été anticipé. Lorsque l’on constate que le perdant a obtenu davantage de voix que Barack Obama pour son deuxième mandat, on ne peut s’arrêter à commenter uniquement la victoire de Joe Biden.
Certes, elle est la condition nécessaire pour que les Etats Unis se débarrassent d’un pouvoir autoritaire, identitaire et parfois dangereux tant dans le discours que dans les actes. C’est la condition nécessaire pour que les Etats unis retrouvent le chemin de la responsabilité sanitaire, écologique et du multilatéralisme. C’est la condition nécessaire pour un retour des Etats unis dans les accords de Paris, dans l’OMS.
Pour autant, si la condition nécessaire est acquise, elle n’est pas suffisante.
La campagne électorale à mis en exergue des fractures qui n’ont pas disparu et qui se sont même visiblement renforcées. Donald Trump n’a pas conservé seulement sa base électorale, il l’a développée. Le populisme et la démagogie ont convaincu un large public parmi les classes populaires principalement mais pas seulement. L’individualisme associé au concept « America first » s’est étendu. Trump a perdu mais le Trumpisme demeure ! Les républicains ne l’ignorent pas. Il sera difficile de se débarrasser de son influence.
S’il est un paradoxe, comme souvent dans cette grande démocratie, c’est qu’à la fois on semble vouloir revendiquer plus de liberté individuelle et plus de protection de l’Etat ; La crise sanitaire n’y étant sans doute pas étrangère. L’équation apparaît donc très compliquée à résoudre, d’autant plus avec un sénat acquis à l’opposition.
La gestion de la crise sanitaire sera sans doute un test important d’orientation de la politique de santé dans un premier temps. Beaucoup de voix se sont exprimées contre la gestion erratique du président Trump qui a privilégié l’économie à la vigilance et à la santé de ses compatriotes.
Il y a de nombreuses leçons à retenir de cet épisode politique outre atlantique : sur la protection, la guerre commerciale et l’identité par exemple. Les démocrates devront certainement user de beaucoup de courage. Ils devront tenir compte de la demande de protection. Ils devront également parvenir à réconcilier les américains entre eux, très divisés aujourd’hui. Il leur faudra refonder un pacte social. Il leur faudra donner du sens à une ambition, emprunter le chemin d’une idéologie s’adressant aux couches moyennes et défavorisées : Oser les valeurs d’une gauche populaire. Bernie Sanders pourrait les y aider si, contrairement à la campagne des primaires, il n’est pas marginalisé par l’appareil.
On le voit. Loin de tout résoudre, l’élection de Joe Biden apparaît davantage comme un défi à relever que comme un long fleuve tranquille. On le sait aussi, ce qui se passe aux Etats Unis a souvent des influences dans le monde entier.
L’arrivée de Donald Trump avait favorisé le développement de régimes autoritaires les plus radicaux sur la planète ; espérons, sans trop d’illusions, que la victoire de Joe Biden favorisera celle de la démocratie et des forces de progrès !
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