Par Julien Dray
Décidément quand ça ne veut pas, ça ne veut pas. A l’instar de la stratégie mise en place pour le mouvement des Gilets jaunes, Emmanuel Macron persiste et signe. Le triptyque : discrédit des acteurs ; consultation biaisée et répression ne fonctionne pas davantage pour la réforme des retraites que pour l’ensemble des crises sociale, démocratique et institutionnelle que nous connaissons.
Malgré la complicité active de certains médias, le pouvoir ne parvient plus à reprendre la main. Ainsi après un mois de la plus importante grève depuis 1986, plus de 60% des français la soutiennent. Pire, c’est aujourd’hui 75% de la population qui se positionne contre la retraite par point.
L’allocution du président de la république au soir du 31 décembre n’y a rien changé. Très peu suivie, elle a suscité au mieux des doutes, au pire de la colère.
On a voulu réduire ce conflit à un match entre Emmanuel Macron et la CGT. On a voulu opposer Public et privé, régimes spéciaux et régime général. On a tenté d’amadouer certaines organisations, certains acteurs de certains secteurs sans jamais atténuer la défiance. La position des salariés de l’Opéra de Paris est, à ce titre, révélateur ! En refusant le piège tendu par l’exécutif -nous allons nous en sortir et ce sont les autres qui trinqueront- ils démontrent leur solidarité avec les générations à venir et avec l’ensemble des français.
La colère ne s’éteint pas et même elle se développe. Le président ne semble pas avoir compris qu’il ne s’agit pas d’une catégorie de la population ou d’un syndicat qu’il faudrait mettre au pas pour faire passer son dangereux projet. C’est bien la France des oubliés qu’il a en face de lui. C’est à dire les 80% de ceux à qui il enlève petit à petit la protection d’un modèle social unique pour satisfaire la très minoritaire communauté des premiers de cordée.
A la notion de courage que l’on attribue quelque fois à ce jeune monarque, nous préfèrerons toujours la définition qu’en faisait Jaurès : « La courage, c’est de chercher la vérité et de la dire… » La vérité se trouve ici, dans la vraie vie. La vie de celle et ceux qui depuis plus d’un an alertent, revendiquent, expriment leur « ras le bol ». La vérité se trouve dans les fondements de notre république depuis la révolution jusqu’à aujourd’hui.
L’obstination n’est pas le courage. La fuite en avant n’est pas le courage. La poursuite aveugle d’un projet qui de contestable est devenu inutile, inique et destructeur ce n’est pas le courage.
Si personne ne conteste le besoin de faire évoluer notre système de retraite pour plus d’égalité et de justice, nous savons maintenant que ce projet n’y répond pas. Et même au delà, ne répondant qu’à des critères économiques, se basant sur un déficit qui aujourd’hui n’existe pas, ce projet n’a pas pour objectif l’égalité et la justice. Ce sont bien les fonds de pensions qui, à terme, pourraient être les grands gagnants.
Est-ce utile de démontrer encore les conséquences d’une telle réforme ? Toutes les études économiques ou sociologiques le montrent. La retraite par point c’est une baisse quasi générale des pensions et à terme une explosion de la pauvreté chez les anciens (17% en Suède ou en Allemagne, 19% en Angleterre…contre 7% en France).
Il n’y a pas d’alternative. Il faut retirer ce projet de loi. Reprendre tout à zéro.
Redonner aux partenaires la place qu’ils auraient toujours dû avoir. Evaluer les inégalités ; la pertinence des régimes spéciaux à faire évoluer, si ce doit être le cas, en fonction de la pénibilité ; rétablir la justice là où c’est nécessaire. De façon démocratique. De façon négociée, partagée. Pas de façon autoritaire !
Le progrès ne consiste en aucun cas à niveler par le bas. Certains avantages peuvent être généralisés à tous. Les « super » bénéfices engrangés, par exemple, par les banques montrent que, dans ce pays, on a des marges de manœuvres budgétaires.
A ce jeu d’échec, le président a avancé ses pions, sorti ses cavaliers, défendu ses tours d’ivoire. Mais il ne reste plus qu’un roi nu. Il vaudrait mieux faire « Pat » que « Mat ».
Le 9 Janvier, nous serons sans doute nombreux à siffler la fin de partie !
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