Par Julien Dray
S’il restait quelques doutes ils sont tombés ce premier mai 2019.
Feignent-ils de ne rien comprendre à la crise ? Font-ils semblant de faire la sourde oreille ou sont-ils totalement incompétents ? En fait c’est tout le contraire, c’est bien parce qu’ils ont compris l’ampleur de ce mouvement, la gravité des questions sociales qu’il pose, qu’ils veulent le mettre à bas. Il faut lui faire baisser la tête, lui infliger une défaite retentissante afin qu’il ne s’étende pas, que d’autres ne prennent pas le relais, que le soutien populaire s’en détourne définitivement. Tous les moyens sont mis en œuvre pour atteindre ce seul objectif quitte à criminaliser l’ensemble des manifestants.
A vouloir ignorer les stratégies de violences du pouvoir, beaucoup s’en rendent complices. Ils en deviennent des serviteurs zélés, des soldats anonymes de la toile, des propagandistes en herbes folles !
« Selon le ministère de l’intérieur » c’est cet élément de langage qui a traversé les rédactions « Selon le ministère de l’intérieur » sans autre explication, sans investigation, sans recoupement « Selon le ministère de l’intérieur » comme si le droit d’informer s’arrêtait Place Beauvau ou passait irrémédiablement par le filtre d’un cabinet. Noir le cabinet.
On nous a menti sur tout : sur le nombre de manifestants, sur le profil des Gilets jaunes, sur la crise sociale, environnementale, institutionnelle, sur les conclusions du grand débat, sur l’infiltration massive de groupuscules, sur la violence d’un mouvement qui, poussé à bout par le mépris, se radicalise.
On nous a menti et on voudrait encore aujourd’hui nous faire croire qu’il ne s’agirait que d’une méprise sémantique ? Non, les mots, détournés depuis trop longtemps, sont utilisés à dessein pour manipuler l’opinion, pour faire grandir les plus bas sentiments de ceux qui, derrière leurs écrans ou leurs radios, veulent encore croire aux journaux des images chocs, aux éditorialistes parisiens.
Il ne s’agit pas d’une maladresse, il ne s’agit pas d’une erreur de vocabulaire. Le mensonge et la manipulation de masse ; c’est un choix délibéré depuis le début !
Le discrédit n’a pas fonctionné, Ils sont toujours là. La caricature n’a pas fonctionné, ils sont toujours aussi multiples. La peur n’a pas suffisamment dissuadé, ils sont toujours nombreux à venir remplir les cortèges à Paris et encore davantage en province. La violence n’a pas fonctionné : beaucoup acceptent d’en prendre le risque et viennent la défier.
Alors en ce premier mai, il fallait marquer le coup ! Transformer les essais qui depuis le début n’ont pas totalement réussis. On ne pouvait pas laisser le mélange des couleurs s’opérer : les verts, les rouges et les jaunes ensemble, c’était trop ! Une convergence ? prendre le risque d’une convergence des luttes ? impossible à accepter à moins d’un mois d’une élection test ! On avait réussi à ne pas en parler sur les territoires où elle avait lieu cette convergence. Il ne fallait pas qu’elle s’opère à Paris et qu’elle soit nationalement visible.
Alors on a préparé l’opinion au pire. Le premier mai serait envahi de Blacks blocs, de ces casseurs irresponsables, venus de toute l’Europe, à Paris, pour profiter de la fête et pour détruire. On était prévenu. Et cela justifiait tout ce qu’on allait mettre en place.
On a tiré des grenades sur la foule, on a tiré au LBD à bout portant, on a organisé des nasses, des entonnoirs. On a fait charger les FDO sur les cortèges, sans distinction, sans discernement. On a gazé les enfants, les personnes âgées et tous les autres. Qu’ils soient en jaune, en rouge ou en vert, on a gazé. On a poursuivi les fuyards. On a envoyé des voltigeurs à moto (ceux là même que l’on avait cessé d’utiliser après la mort de Malik Oussekine). On a organisé la panique. On a arrêté des innocents par centaines, contrôlés des passants par milliers. Les black blocs, eux, courent toujours !
Du jamais vu de mémoire de ceux qui ont vécu toutes les grandes grèves, toutes les grandes manifestations, tous les « premier mai », de 68 à aujourd’hui.
Il ne s’agit pas de sémantique, encore une fois il s’agit du choix délibéré de la violence, de la répression. Ils ont voulu faire plier la bête mais elle résiste. Elle reçoit même de nouveaux soutiens. Le monde culturel se mobilise. Merci à eux. Et si la gauche, notamment les socialistes prenaient enfin conscience que c’est d’eux que l’on attend, non seulement un soutien mais des réponses ? L’action politique prendrait tout son sens. Malgré tout, le mouvement n’est pas mort. Ne dit-on pas que « tout ce qui ne tue pas rend plus fort » ?
Le pouvoir doit, quoi qu’il en soit, rendre des comptes. Le ministre de l’intérieur, qui a délibérement menti à la France entière, doit partir.
Monsieur Castaner : Démissionnez !
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