Si l’on veut rester dans un esprit un peu diplomatique, on dira que l’univers médiatique du moment est surprenant. On atteint des sommets ou bien l’on touche le fond, c’est selon.
Tout ou presque est visiblement tourné pour faire du buzz. Le banal, le vulgaire, les injures sont à la une et on s’en amuse ; ça occupe l’auditeur ou le téléspectateur. Les polémiques se suivent et chacune d’entre elles fait l’objet de chroniques, de tribunes, de tweets, de posts, d’échanges musclés, de caricatures, de mots vengeurs. Une cohorte d’avocats improvisés s’installe dans des tribunaux factices pour défendre l’un ou l’autre des protagonistes, les fauteurs de trouble, aubaines des médias, les créateurs de telle polémique ou de telle autre.
On ne fait plus de politique, on s’amuse à se faire peur. On ne traite plus de fond. On évite d’analyser. On privilégie la forme brute, voire brutale. C’est une compétition à celui qui fera le plus de bruit. C’est une chasse à l’exclus, à l’info qui tonne, qui fait de l’audimat ! Les émissions de divertissements seraient maintenant l’alpha et l’oméga de la parole publique ? Les nombrils auraient remplacé le cerveau ? Ne détournerait-on pas les esprits pour cacher la gravité du moment dans une société en pleine crise, sociale, écologique, identitaire, démocratique ? Ne fuirait-on pas un peu, beaucoup, la réalité du présent pour des millions de gens ?
Et pendant ce temps là que fait-on des alertes bien réelles, de la vie réelle ?
Pendant ce temps là, l’hôpital public meurt doucement. Les soignants crient leur impuissance à pouvoir soigner correctement, humainement ; les médecins s’époumonent à réclamer des moyens quand, même la pédiatrie, oui la médecine de nos jeunes enfants, est en grand danger.
Pendant ce temps là, l’école de la république devient peu à peu une garderie. L’école manque de tout et surtout de soutien de la puissance publique pour ce qui concerne la formation des maitres et des professeurs, la transmission de valeurs, l’instruction à la citoyenneté, l’ouverture à l’imaginaire, à la création, à la différence, à la culture. L’école manque d’une véritable vision émancipatrice. On en est presque maintenant à sortir la bouteille de champagne lorsque dans un établissement, c’est tellement rare, on a un enseignant pour chaque matière en nombre suffisant pour le nombre de classes, lorsque l’on n’est pas obligé de faire appel à « l’UBER » gouvernemental des remplaçants non formés titulaires d’un diplôme qui n’a quelque fois rien à voir avec le poste proposé.
Pendant ce temps là, des enfants, des familles entières continuent de mourir en Méditerranée. On continue à piller l’Afrique, à soutenir des régimes bienveillants avec nos multinationales, nos grandes entreprises. On continue à appauvrir un continent plutôt que de l’aider à se développer socialement, économiquement et démocratiquement. Puis on s’étonne des migrations, on les refuse, on les rejette. Elles deviennent ingérables par notre incapacité à les traiter autant du point de vue de la loi que du point de vue humain, par notre incapacité à définir un droit d’asile assis sur des valeurs, par notre incapacité à permettre la vie des migrants dans leur pays d’origine, par notre incapacité à reconnaître ce que nous pouvons et ce que nous ne pouvons pas.
Pendant ce temps là, on meurt en Europe dans une guerre qui n’en finit pas et que l’on cherche quelque fois à oublier. Une guerre qui impacte le quotidien de tous les européens, de tous les Français. Une guerre qui oppose démocratie et autocratie, universalisme et empire identitaire, union pour la paix et instinct de domination. Une guerre qui déterminera sans doute, pour une part, l’avenir de nos sociétés.
Et enfin, pendant ce temps là, il y a les attentes d’une population française qui, dans sa grande majorité a perdu tout espoir de voir la politique reprendre ses lettres de noblesse, sa vocation à servir l’Etat, l’intérêt général. Pendant que le superflue des bagarres de récréation font le régal des journaux urbains, la rue devient de plus en plus dangereuse, la vie de plus en plus difficile, la nourriture de plus en plus chère, l’essence bientôt inabordable.
Pourtant, le Français a dans ses gênes ses graines de volonté qui l’oblige à ne jamais abandonner. Le français espère encore que l’on donnera du sens à son avenir, à celui, surtout, de sa descendance. Cette espérance qui ne meurt jamais à besoin d’être protégée, d’être encouragée, soutenue. Elle ne l’est plus !
Quand un projet politique prendra corps autour de cette volonté populaire et même générale d’aller vers un progrès réel ; quand un projet politique apparaitra comme une alternance ou plutôt une alternative à la doctrine actuelle, alors nous retrouverons notre force et notre image universelle. Pour cela, il faudrait peut-être en revenir à l’essentiel et arrêter de faire le buzz avec le négligeable.
Sûr qu’alors on pourra dire : ça ! c’est de l’info, coco !