Par Edmond Thanel et Pierre Mazzorbo
Cette semaine, le Président de la République a refusé d’ouvrir ses ports au navire humanitaire l’Aquarius après que le pouvoir italien a interdit son accostage. Il s’agissait pourtant d’abriter 629 rescapés recueillis en Méditerranée.
Mare Nostrum, comme l’appelaient les Latins, Notre Mer… celle de tout un monde partageant les mêmes principes, la même civilisation. Aujourd’hui, cette mer est une frontière, un théâtre qui oppose l’Europe et le nord de l’Afrique, un théâtre où se joue tous les jours des tragédies mettant en jeu la vie d’hommes et de femmes qui fuient la misère, des conflits et espèrent en nous.
Le Président Macron a donc rejeté l’Aquarius à la mer…. Il s’est également drappé de l’habit du commandeur pour invectiver l’Italie et son nouveau gouvernement d’extrême-droite.
C’est une occasion manquée et certainement une double faute commise par le Président français.
Une occasion manquée de montrer enfin l’exemple humanitaire sinon humaniste et marquer le retour de la patrie des droits de l’homme au devant de la scène Européenne. Plutôt que de s’affirmer à contre courant des nationalismes ambiants dans nombres de pays de l’union, le président faisant oeuvre d’autorité dans le bon sens compris de notre histoire, il se place d’amblée du côté de ceux qui rejettent la misère au large de leurs côtes.
C’est donc d’abord une faute au regard des Droits de l’Homme, de la tradition de la France et des idées qu’elle proclame depuis la Révolution française.
Être les héritiers d’une déclaration universelle impose davantage de devoirs en responsabilités que de droits d’inventaire. Il y a fort à parier que l’interpellation « boomerang » que le chef de l’état à l’égard du pouvoir italien ne renforcera pas le leaderchip qu’il voudrait asseoir dans l’union Européenne.
Il ne s’agissait donc pas d’arbitrer entre une Italie aujourd’hui réfractaire et une Espagne prête à accueillir l’Aquarius, mais à s’affirmer comme nation, forte de ses valeurs et de son identité. Ce n’était pas une affaire un peu ridicule de distances mais celle d’une main tendue, de bras ouverts et en cela, notre président serait rester fidèle à sa démocratie tactile pour l’orienter vers davantage d’humanité.
C’est ensuite une faute vis à vis du monde géopolitique tel qu’il se dessine.
Il semble bien, en effet, que le président américain, Donald Trump, cherche à modifier une partition géopolitique en installant un triangle improbable entre les USA, la Chine et la Russie, ce qui marginaliserait sans doute un partenaire Européen pouvant devenir fort gênant, tant sur le plan économique qu’écologique. Emmanuel Macron, sans doute par manque de discernement, d’expérience ou par maladresse, risque de fracturer encore davantage les Européens sur la question des migrants.
Au lieu de cimenter l’Europe, notre président fait indirectement le lit de tous les populismes. Il éloigne ainsi, comme s’ils en avaient besoin, les Européens de cette belle et grande idée que représente l’Union européenne. Cela ressemble à une injonction autoritariste d’une Europe par trop technocratique, une Europe qui ne cherche plus à construire plus un idéal commun mais qui se limiterait à légifèrer sur des normes kafkaïennes.
Plutôt que d’apporter un soutien actif aux Italiens, Emmanuel Macron les pointe du doigt ! En fallait-il davantage pour donner du crédit aux idées portées par la Legua à l’égard de la technocratie Européenne?
Loin de rassembler, à l’international comme dans la politique intérieure, Emmanuel Macron choisit la fuite en avant de ces certitudes, semant, peut-être sans le vouloir, des graines de division dont les récoltes ne peuvent être que populistes, identitaires et radicales.
Dans cette Europe déjà bien mal en point, ce n’est certainement pas le meilleur chemin. On ne peut oublier que nous avons choisi la paix. Cette paix, sur notre continent, ne peut plus se réduire à une idée originelle qui serait éternelle. La paix ne tiendra que si nous savons construire un monde juste et humain, rester fidèle au texte, non plus seulement dans le discours mais par l’action !
L’Aquarius a finalement accosté. Gageons qu’il soit le dernier bateau ivre d’une démocratie à la dérive.
Pour paraphraser notre Président, sur l’Aquarius, on croise sûrement des « hommes qui ne sont rien », mais il y a sûrement parmi eux un Mozart assassiné.
Au moins aura-t-on évité, grâce à l’initiative Espagnole, que pour cette fois, il se noie !
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