5 novembre 2018

Déclin de la sociale démocratie Allemande : retour aux sources ?

Par Edmond Thanel

Le chancelier allemand Willy Brandt, en quittant la direction du SPD en 1987, se demandait déjà si le parti socialiste qu’il représentait serait encore, dix ans plus tard, un parti populaire.

Les changements qui avaient eu cours dans le paysage politique ne présumaient rien de bon, de son point de vue, pour l’avenir de la sociale démocratie.

La montée des libéraux à partir de 1982 et leurs exigences à réformer en profondeur la politique sociale de ce grand pays, les pressions budgétaires que ces mêmes libéraux voulurent imposer, fort de leur incontournable place dans une coalition, obligeaient déjà à des compromis sur les valeurs.

La suite montra que Willy Brandt avait vu juste.

Lorsqu’entre 2003 et 2005 Gerhard Schröeder, alors chancelier et représentant le SPD,repris a son propre compte les fondamentaux libéraux sur le travail, la réforme qui suivit (inspirée par Peter Hartz, DRH de Volksvvagen) confirma une rupture avec les classes populaires et les classes moyennes allemandes, salariés comme chômeurs, jeunes comme retraités. Cette réforme fut alors considérée par Christoph Butterwegge, chercheur en sciences sociales à l’université de Cologne, comme la « césure sans doute la plus importante dans l’histoire de l’État social allemand depuis Bismarck ».

Depuis, et alors que du point de vue des critères inspirés de la doxa libérale européenne (taux de chômage, comptes publics, déficit budgétaire…) L’Allemagne est citée en exemple par de nombreux pays de l’UE dont la France, le décrochage électoral de la sociale démocratie allemande ne cesse de la renvoyer dans une zone de non-influence. Paradoxe d’une réforme impopulaire, ce sont d’abord les libéraux qui ont profité de cette chute, puis les partis de droite jusqu’aux partis xénophobes d’extrême droite, puis, plus récemment, les verts.

Le constat cependant incontournable que l’on peut faire de cette séquence, c’est que depuis les années 2000, de compromis en compromis, le SPD perdant de sa zone d’influence, c’est toute la gauche qui a perdu en voix. Aucun des autres partis de la gauche Allemande n’est venu ni se substituer, ni remplacer électoralement la sociale démocratie.

Le second constat c’est qu’après la mise en place, par la sociale démocratie, de réformes bien plus ultra-libérales que sociales ; le taux de pauvreté, comme le taux de précarité, a explosé, les travailleurs pauvres sont apparus et les retraités modestes doivent retrouver du travail pour subvenir à leurs besoins de première nécessité.

Le troisième constat c’est que le SPD a continué à se compromettre dans des coalitions qui ne lui laissaient que très peu de marges de manœuvres, qui le faisaient souvent otage de la politique de Madame Merkel en tentant d’en être la caution de gauche.

L’exemple Allemand a fait malheureusement boule de neige sur l’ensemble de la sociale démocratie Européenne. Son influence sur le PSE n’est sans doute pas anodine à cet état de fait.

En Allemagne comme en France si les socialistes doivent préserver leur pragmatisme, affirmer encore et toujours leur vocation européenne, se positionner encore davantage comme les défenseurs de la planète ; Il est aussi de leur devoir de retrouver une identité propre qui les distingue clairement de la droite libérale et conservatrice.

Cela passe certainement par la définition de critères spécifiques au « socialisme » sous toutes ses formes, par un dialogue permanent avec toute la gauche, par la constitution, à terme, de projets offensifs, novateurs, et surtout rassembleurs.

Si le progrès redevient l’engagement, en positif, des sociaux démocrates Européens ; si, forts de leur identité retrouvée il orientent leur propositions en parlant à chacun de leurs concitoyens, en rupture avec le système productiviste et donc conforme à la préservation de la planète, alors la gauche démontrera que la définition du mot « progressisme » qu’ont voulu imposer les plus ambitieux libéraux de la planète, n’était pas, loin de là, de gauche !

Edmond Thanel   

 

https://www.facebook.com/groups/171451933557529/
Vous souhaitez recevoir La Lettre l’Engagé(e) directement dans votre boite mail ? Envoyez-nous un mail à l’adresse suivante : lengagee.lettre@gmail.com

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *