Par Cécile Soubelet
Dimanche 28 octobre dernier, le Brésil a officiellement élu démocratiquement Jair Bolsonaro comme 38e Président de la République du Brésil, le 8e depuis la Nouvelle République en 1985. Tout d’abord moqué, puis décrié et enfin redouté, les Brésiliens ont choisi de faire de lui le symbole d’une rupture.
Et pourtant, celle-ci apporte un certain goût, amer, de déjà-vu. Alors que Jair Bolsonaro se dit lui-même nostalgique du temps de la dictature militaire, nombreux sont ceux qui ont pointé les similitudes troublantes entre sa campagne électorale avec les relents de cette sombre période, comme l’influence forte de l’armée ou la stigmatisation « des rouges » et des communautés noires et LGBT.
Les raisons de cet avènement de la droite extrême sont nombreuses et une pluie d’analyses se font entendre a posteriori. Parmi celles-ci ont peu en retenir quelques principales :
– Plus qu’un vote d’adhésion, c’est un vote de rejet – voire de haine- à l’encontre du Parti des Travailleurs (PT).Celui-ci a déçu, gangréné par les multiples affaires de corruption qui éclaboussent tous les niveaux de la société et du Parti. Les Brésiliens oscillent entre colère, dépit et le sentiment d’avoir été trahis. Tous les progrès sociaux mis en place par Lula puis Dilma Rousseff en sont éclipsés. Les Brésiliens attendaient de la Gauche de l’exemplarité, ils ont le sentiment d’avoir permis une institutionnalisation de la mafia politique.
– C’est un vote de rejet de Lula qui cristallise sur lui-même la rancœur. Le PT s’est fourvoyé en faisant de Lula, alors visé par la Justice, son candidat naturel. Le Parti a attendu trop longtemps avant de désigner Haddad dont la notoriété était alors circonscrite à Sao Paulo. Pire, le soutien de Lula en faveur d’Haddad a été considéré comme le baiser de la mort pour de nombreux Brésiliens. Ils attendaient un changement et un renouvellement radical, ce sentiment de continuité leur a été insupportable.
– Les Brésiliens ont également exprimé leur peur. Face à l’insécurité croissante en particulier : plus d’un demi-million d’homicides en 10 ans, soit un toutes les 10 minutes, en hausse de 14%. La drogue, les vendettas sont légions, auxquels s’ajoute la montée du racisme. Peur également pour l’avenir des jeunes : le chômage touche plus d’1 jeune sur 4 de 18-24 ans (contre un peu plus de 12% pour la population active globale). Dès lors, les perspectives et la confiance en l’avenir sont limitées tant la capacité à sortir de sa situation sociale semble fragile et hypothétique. Peur enfin en la montée de la précarité et l’exclusion : 15 millions de Brésiliens vivent sous le seuil de pauvreté, soit 7% de la population (en hausse de 11% en 2017).
Bien sûr à cela s’ajoute le rôle décisif qu’a joué l’église évangéliste dans ce contexte. De même qu’un désengagement des Brésiliens dans la vie politique : Bolsonaro a été élu avec le plus faible score depuis 1985. Ce sont 31 millions de Brésiliens qui se sont abstenus au 2etour, soit 21% alors même que le vote est obligatoire.
Au final, c’est donc la Gauche qui a déçu et qui doit désormais faire preuve de lucidité et se réinventer à tous les niveaux. Bolsonaro a tiré parti cet état de fait : il a joué de la victimisation durant sa campagne électorale, tout en évitant les débats démocratiques des 1eret second tour, aidé par les réseaux sociaux et la diffusion de fake news.
Ce « Trump brésilien » qui bénéficie également du soutien des classes aisées et du milieu des affaires devra désormais être surveillé de près par la communauté internationale. La solidarité internationale devra alors jouer un rôle actif et prépondérant pour dénoncer toutes mesures visant en premier lieu à supprimer les libertés individuelles ou à opprimer des catégories de la population pour leur appartenance sexuelle, politique ou religieuse.
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