Par Cécile Soubelet
Le 26 mai dernier, les Espagnols se sont rendus aux urnes pour voter à 3 élections : les européennes, les parlements locaux (de chaque province) et les municipales. Si le PSOE est arrivé en tête massivement, depuis se joue un jeu d’alliances entre les libéraux de Ciudadanos, et les conservateurs du Partido Popular pour neutraliser et empêcher la Gauche de gouverner, quitte à pactiser avec l’extrême droite.
Une alliance tripartite contre la Gauche à Madrid et dans cinq capitales de provinces
Si certains se posaient encore la question si les membres de Ciudadanos étaient des centristes de gauche ou de droite, il n’y a plus d’hésitation. Les libéraux « progressistes », amis de LREM ont choisi leur camp et s’allient majoritairement (mais pas exclusivement) avec les conservateurs.
Cependant, face aux scores socialistes, leur seule union ne suffit pas dans bien des provinces. C’est par exemple le cas en Andalousie ou à Madrid où les tractations les plus fortes ont lieu. Elles concernent aussi bien la constitution des parlements locaux que les municipalités. Un jeu d’échec dans lequel le parti d’extrême-droite Vox joue de tout son poids avec ses voix décisives.
Où sont les principes moraux, où sont les valeurs républicaines et démocratiques défendues par Ciudadanos ? Aux oubliettes….car la semaine dernière a été officialisée un accord entre Ciudadanos, Partido Popular et Vox dans six grandes municipalités (Madrid, Zaragoza, Granada, Palencia, Teruel et Badajoz). Albert Rivera a eu beau jouer sur l’ambiguïté pendant des semaines, en argumentant que les accords politiques étaient signés avec les conservateurs, ils avaient en réalité besoin de Vox pour obtenir le nombre de voix leur permettant de gouverner.
Et les conséquences sont déjà fortes. Non seulement l’extrême-droite accède à des postes locaux, mais a également réussi à intégrer certaines mesures de son programme dans les déclarations de cadre politique.
Si l’on prend le Parlement local andalous par exemple, le pacte tripartite a effacé les mesures en faveur de la défense du droit des femmes pour une notion plus vague de « lutte contre la violence dans la famille ». La lutte contre l’immigration est devenue un objectif explicite qui entraine la suppression des subventions à « toute association ayant un lien avec la promotion ou l’accueil de migrants ». Autre point, une limitation des aides apportées aux associations qui luttent pour la réparation des victimes du franquisme, et à l’inverse la volonté de glorifier l’héritage historique de l’Espagne, notamment avec la découverte de l’Amérique.
Gouverner à tout prix et renier les valeurs démocratiques ?
La décision politique de Ciudadanos est grave. Ce parti montre qu’il n’a aucune colonne vertébrale idéologique, s’alliant parfois avec les socialistes et le plus souvent avec les conservateurs. Mais, pire, il démontre qu’il est prêt à tout pour gouverner, y compris s’allier, dans les faits, avec l’extrême-droite espagnole homophobe, machiste et franquiste.
Déjà, quelques dissonances se font entendre au sein du parti lui-même à Madrid de la part de personnalités qui expriment leur refus idéologique de s’allier avec l’extrême droite. Mais elles sont pour l’instant trop rares, la majorité fermant les yeux de manière passive, trop heureuses du gain de postes clés.
Emmanuel Macron a déjà déclaré qu’il « n’acceptera pas d’ambiguïté de Ciudadanos avec l’extrême droite » et s’est dit prêt à rompre la coopération politique avec ce parti. Toutefois, il s’est retenu de dire quelle serait la ligne rouge à ne pas franchir.
Pour tout socialiste, pour tout militant de Gauche, la ligne est déjà franchie. Un compromis avec l’extrême-droite est tout simplement inacceptable.
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