Par Cécile Soubelet
Cela faisait 11 ans que le PSOE de Pedro Sanchez n’était pas arrivé en tête des élections législatives. Dimanche 28 avril, avec 28,9% des voix, les socialistes ont tourné définitivement une page : celle de la toute-puissance de la droite espagnole.
Une victoire spectaculaire en Europe, nette, dans un contexte électoral qui a été particulièrement brutal, tant les mots des opposants étaient violents. Néanmoins, certaines questions se posent quant à la capacité du prochain gouvernement à diriger librement d’une part, et à endiguer la montée du populisme et de l’indépendantisme.
Un besoin de justice sociale indéniable
Après seulement 10 mois d’exercice du pouvoir, ces élections législatives anticipées avaient valeur de test pour les socialistes : soit ils étaient rejetés (ce qui avait pu se passer en Andalousie en décembre lors d’élections locales), soit ils sortaient renforcés et confortés dans la ligne résolument sociale qu’ils avaient commencé à mettre en place : augmentation du salaire minimum de 20%, réévaluation des retraites, lois de protection et de défense du droit des femmes, allongement du congé paternité à 11 semaines sont quelques-unes des mesures que Pedro Sanchez a fait passer durant son court mandat.
Dans ce contexte, la campagne électorale a été particulièrement violente avec un bloc de droite(Partido Popular, Ciudadanos et Vox) invoquant le « tout sauf Sanchez » : opposition à l’exhumation de Franco, contestation du droit à l’avortement, mise en doute d’une nécessaire défense du droit des femmes dans les cas de violences conjugales, accusation d’un pacte entre socialistes et indépendantistes basques et catalans, …
Pendant plusieurs mois, leaders et têtes de listes locales, n’ont eu de cesse d’attaquer les décisions prises par les socialistes, sur fond de crise catalane qui renforce les questionnements entre nationalisme et territoires.
Accusé de terroriste, de diable, d’incompétent, de laisser-faire…Pedro Sanchez a été la cible toutes les critiques par l’opposition. Plus c’était gros, plus ils en faisaient des tonnes, particulièrement Pablo Casado, jeune leader du Partido Popular, et Vox qui n’hésite pas s’approprier des propos de Marine Le Pen et à les amplifier.
Et pourtant, on ne peut que se réjouir de la claque infligée : 3 Espagnols sur 4 sont allés voter dimanche, et ils ont sanctionné le parti traditionnel de droite qui passe de 137 députés à 66 (16% des voix) et perd ses plus grands bastions au profit des socialistes. Pire, l’irruption de Vox à 10% a capté son électorat le plus extrême, et les libéraux de Ciudadanos se voient désormais comme les nouveaux leaders de l’opposition avec leur 57 sièges (15%).
Et maintenant, comment gouverner ?
Cette confirmation des socialistes et du besoin de justice sociale étant posée, il reste à Sanchez une question de taille : comment diriger ? Car malgré ces résultats, le PSOE est obligé de faire une alliance pour obtenir une majorité absolue. Reste à savoir avec qui. Son bloc « naturel » composé de Unidas Podemos (12%) et de partis régionaux (En Comu et PNV) ne suffit pas, à 4 voix près.
Va-t-il se tourner vers les libéraux de Ciudadanos et risquer de perdre sa légitimité à gauche ? Ou va-t-il négocier une abstention des indépendantistes catalans qui voient là une occasion de peser de tout leur poids sur leur demande d’accès à un référendum officiel sur son indépendance ? Sa décision sera cruciale, non seulement au niveau national, mais également au niveau des alliances locales, les prochaines élections ayant lieu en même temps que les européennes le 26 mai.
Enfin, plusieurs autres leçons sont à tirer de cette élection. La première est que plus la droite se radicalise et plus elle perd des voix. Le populisme dont a fait preuve le Partido Popular n’a été que le terreau du parti d’extrême droite Vox qui s’est nourri de ce positionnement.
La seconde est le lien étroit qui existe entre montée du populisme et celle des indépendantistes. Clairement, le vote radical a profité particulièrement aux partis indépendantistes catalans et basques, et à Vox dans les autres communautés autonomes, et ce bien au-delà des pronostics.L’Espagne, qui était jusqu’à présent protégée de la mouvance populiste qui touche l’Europe entière, est désormais confrontée à un problème de taille, remettant en cause les partis traditionnels et leur fonctionnement, mais surtout ses institutions.
Les prochains jours et mois seront ainsi un tournant décisif pour l’Espagne pour tenter de mettre fin à une crise sociale et identitaire qui divise le pays.
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