Il n’est pas utile de rappeler ici que le premier parti de France est plus que jamais l’abstention, en effet avec 66,1% les élections régionales de juin ont battu un record. Mais si ce chiffre parait déjà énorme, il n’est rien à côté des 87% d’abstention des 18-24 ans ou des 82% des 18-35 ans.
Si ce taux questionne de manière globale le rapport des Français à la politique il inquiète particulièrement chez les plus jeunes, et ce d’autant plus que les explications peuvent être nombreuses. Car près plus d’un an confiné il est facile de supposer que cette « jeunesse sacrifiée » a d’autres envies que de voter, on peut aussi avancer que la faible couverture médiatique n’a pas aidé ou que si la fusion des régions conforte les compétences stratégiques de ces dernières, elle a affaibli le rapport au citoyen en créant des structures désincarnés et peu comprises.
Pourtant, à y regarder de plus près ces explications ne font pas toutes sens, en effet, la Région Île de France par exemple a bénéficié d’un périmètre constant et d’une couverture médiatique sensiblement plus importante qu’ailleurs en France, pourtant, le taux d’abstention y est supérieur à la moyenne nationale (70%) y compris chez les plus jeunes.
L’autre piège simpliste serait d’avancer que la population – surtout jeune – est dépolitisée et ne s’intéresse pas au bien public. Des études récentes menées notamment par le CEVIPOF montrent clairement le contraire, le taux d’engagement associatif des jeunes reste élevé, la jeunesse est surreprésentée dans les principaux mouvements sociaux actuels (gilets jaunes, marche pour le climat…) et cette dernière s’implique plus que les générations précédentes dans des œuvres caritatives/d’aide aux personnes.
Il est donc dangereux de confondre désintérêt d’une élection, dépolitisation et abstention des jeunes. Face au constat précédemment posé nous devons comprendre en tant que militants, responsables, élus, citoyens engagés, que les solutions ne sont pas écrites d’avance et que le faussé qui s’est creusé est dû à une mécompréhension réciproque.
Bien entendu, il faudrait commencer par la base, expliquer par la pédagogie à quel point chaque élection est importante, que la représentation citoyenne c’est la souveraineté populaire qui s’exprime, et que même si une échelle de compétences peut sembler éloignée et/ou désincarnée elle n’en demeure pas moins importante. C’est une dialectique classique dans le jeu électoral français ou souvent l’incarnation de la figure du politique prime sur sa réelle compétence (maire/président d’EPCI ; président de la république/parlementaire…). Arrivée à ce moment de l’explication il devient évident que les plus politistes d’entre nous penseront à l’élection présidentielle qui nous a tant habitué à voter pour une personne et non pour des idées/compétences.
Mais là encore, ce raisonnement occulte la cause principale de l’abstention des jeunes : le fait que le politique ne s’adresse plus à la jeunesse. Le véritable drame est la… Un coup d’œil dans les programmes et prises de position nous fait comprendre immédiatement que la politique en France est devenue quelque chose de ringard. Pourquoi ringard ? Tout d’abord les rituels politiques dont nous héritons sont des rituels qui ne sont pas adaptés à notre époque, les tristes débats télévisés, les mêmes encarts dans les PQR, les soirées électorales… Bref, un monde très éloigné du quotidien de la jeunesse. Ringard aussi parce dépassé dans les idées, avec une droite qui ne s’adresse qu’a sa « cible », à savoir les personnes âgées, et une gauche qui tente de résumer l’ensemble de la jeunesse à une « génération climat » nous passons à côté du quotidien vécu par cette frange singulière de la population.
Car effectivement, la crise du covid, le confinement, la précarité touche aussi la jeunesse. Et quelle réponse sommes-nous en capacité de porter pour le lendemain ? Quand on parle de lendemain je ne parle pas de 2040 ou 2050 non, mais des fins de mois, de l’arrivée sur le marché de l’emploi, du rapport à la précarité bref, qu’avons-nous à répondre aux inquiétudes immédiates de la jeunesse. Il suffit de lire les programmes – de droite comme de gauche – pour comprendre : pas grand-chose. Sorti des grands discours sur l’urgence écologique ou des petites propositions sur la gratuité des transports aucune des mesures portées par la gauche lors des précédentes élections ne pouvait prétendre réellement à s’adresser au quotidien de la jeunesse.
C’est pourquoi il est plus que jamais temps de parler aux réalités de la jeunesse avec un discours renouvelé, cela passe peut-être par une dotation jeunesse universelle, cela passe peut-être par des propositions de l’écologie du quotidien comme le revenu de transition écologique… Quoi qu’il en soit ces débats devront être tranchés rapidement par la gauche si cette dernière souhaite à nouveau attirer la jeunesse dans les isoloirs. Parce que non, la jeunesse n’est pas dépolitisée, c’est le politique qui l’a oublié
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