17 septembre 2019

Mesures pour les urgences à l’hôpital : Cautère sur jambe de bois – Edito Lettre n°52

Par Julien Dray


Voilà donc plus de six mois que de très nombreux services d’urgences à l’hôpital sont en grève.

Fidèles à leur vraie méthode, celle que l’on connaît depuis mai 2017, Macron et son gouvernement ont d’abord méprisé. Le mouvement s’est développé.

Fidèles à leur incapacité à comprendre un mouvement social (on l’a vu avec les gilets jaunes), Macron et son gouvernement ont annoncé quelques mesures d’urgences au mois de juin. Il s’agissait de passer l’été au calme. Le mouvement s’est ancré.

Fidèles à leurs pratiques du faux débat, Macron et son gouvernement ont fait semblant de consulter les urgentistes en demandant à l’un des leurs un rapport. L’homme est évidemment respectable mais il est député LREM, la ficelle est un peu grosse, le mouvement s’est amplifié.

Fidèles à leur conception de la démocratie descendante, Macron et son gouvernement ont claironné des mesures complémentaires début septembre, 750 millions sur trois ans. Les Échos, le JDD et Paris Match ont apprécié. On attendra la traduction budgétaire pour y croire.

En tous les cas il semble bien que le mouvement va se généraliser.

L’assemblée générale du 10 septembre en a voté la reconduction malgré le « plan » Buzyn. Près de la moitié des services sont en grève et leur nombre à double pendant l’été pour attendre près de 240. Le mouvement vient d’être rejoint par une première association de médecins urgentistes. La CGT, FO et la CFDT soutiennent ce mouvement et l’on parle maintenant de convergences avec les personnels de l’ensemble du secteur médico-social.

Il est vrai que l’approche technocratique et déresponsabilisante du gouvernement et de son véritable chef pourrait bien déboucher sur une telle généralisation,

Comme avec les gilets jaunes on comprend bien que le problème est global, que la crise des urgences n’est que le reflet des problèmes plus globaux du système de santé français, que le gouvernement qui hérité de décennies d’inaction est à la manœuvre pour réformer en profondeur et que l’on verra bien ce que l’on verra quand toutes les réformes de structures dont le pays a tellement besoin auront été faites et donneront leurs fruits.

On aimerait y croire mais il y a tout de même quatre bémols de taille :

– les réformes de structure aussi nécessaires soient elles ne règlent pas les problèmes de l’instant. Or ceux-ci sont aigus : 21millions de patients passent chaque année par les urgences (un doublement en 20 ans) et sont, ce sont les personnels qui le disent, mal soignés. Des centaines de milliers d’agents hospitaliers vivent dans la souffrance au travail : souffrance de ne pas pouvoir faire bien son travail, souffrance physique quand on est à la limite de ses moyens, souffrance morale quand on ne voit ni n’entend la reconnaissance sociale pour cela. Il faut traiter cela vite. Les mesures des deux plans « Buzyn » ne le font pas. Le gouvernement ne prévoit ni réouvertures de lits, ni revalorisation salariale, ni création de poste. Seuls quelques millions avaient été prévus en juin parmi les 70 du premier « Plan ». Rien depuis.

On veut bien entendre qu’il faut des réformes mais l’hôpital français a connu suffisamment de réformes pour être sceptique. Sans remonter aux calendes il faudrait peut-être rappeler à Macron, Philippe et Buzyn qu’avant de réformer ils devraient évaluer les réformes passées : depuis la « grande » loi de 1970 l’hôpital français a vécu près de 12 lois de « reforme ». La dernière date du 21 janvier 2016. La réforme pour la réforme n’est pas une issue c’est un faux semblant. Ce qui compte c’est le contenu de la réforme.

Or on ne sait toujours pas bien ce que ce gouvernement prépare en matière de réforme du système de santé. S’agissant de la future loi hôpital, ce sera donc la 13eme, la ministre « démine » comme disent les éléments de langage. Le déminage ne fait pas une politique. S’agissant du plan pauvreté (les urgences sont évidemment un des modes d’accès au soin privilégié des plus démunis) sans cesse annonce toujours repousse on reste dans le flou. Et la grande loi « dépendance » promise pour l’automne n’est pas bien claire. On a vu pourtant que la question de la gériatrie était l’un des sujets les plus sensibles dans la crise des urgences.

L’expérience récente avec ce gouvernement est que le flou annonce rarement de très positif. Oui il y a consensus pour reconnaître que nombre de patients s’adressent aux urgences pour des raisons financières. Le gouvernement est donc farouchement pour le tiers payant généralisé…. on l’avait pourtant connu suspendant la mesure votée par la majorité socialiste sous le quinquennat de François Hollande, souhaitant l’observer et l’expérimenter, bref, tourner autour du pot pour supprimer cette avancée. Elle revient au goût du jour et c’est tant mieux. Mais il aura fallu un mouvement social semble-t-il. Oui le gouvernement s’intéresse au reste à charge. Mais il l’a fait l’année dernière en demandant aux mutuelles de supporter la charge. On sait bien comment les mutuelles financeront et les conséquences que cela aura sur le renoncement de ceux qui sont les moins bien couverts à la protection complémentaire. Annoncer que près de la moitié du deuxième « Plan » Buzyn ira aux services d’accès aux soins c’est à dire une plate-forme téléphonique sans rien pour les personnels relève là aussi d’une vision de la réforme qui laisse songeur.

Or il s’agit, là de la mesure phare du « Plan ».

Lequel est qualifié de « pacte ». Pour un pacte madame la ministre il faut être deux.

Vous semblez très seule.

Julien Dray

 

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1 Comment

  • Les mesures annoncées sur le long terme vont dans le bon sens numéro unique sas pour éviter les engorgements dans les SAU régulation des personnes âgées avec accès directement dans des services de gériatrie centre territorial de proximité pour prendre en charge les patients non urgents
    Par contre les mesures à court terme ne répondent pas aux difficultés actuelles
    Les critiques du « DR DRAY « sont infondées

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